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Daisy Arcos Jan 2016
I saw you in my dreams last night
As your body laid there cold and quaking
The doctor robed in decrepit shadows
Whispered to me, “wishes do come true.”

Your hands were pale and fragile
Like a thousand crumpled paper cranes
A thousand torn up love letters
A thousand rewritten apologies

So I gently folded them into mine
Hoping to give them back their true form
Reshaping your joints to familiar angles
The ones my own hands knew best

I studied the rise and fall of your chest
Encumbered with each painful breath
Your body and soul danced with demise
To the sound of the monitor keeping time

Then a disembodied voice rattled my sanity
A forgotten melody that once haunted me
“I cheated death for far too long
to let you be the one that stops my heart’s beating”

I could not reply, lacking the proper answer
Overcome with remorse and eager to end the torment
I hurriedly traded heartbeats with you
And felt my pulse shudder and stammer

My new heart’s cadence slowed then ceased
Suddenly missing the rib caged rhythm
An epiphany of the words I desperately needed
Became perfect, cohesive, articulate, whole

But the room fell silent and my voice fell short
Only the sigh of my last breath lingered
And my unsung requiem remains
*L’esprit de l’escalier
Based on a reoccurring dream.
martin Nov 2012
Searching for words I fumbled and stumbled
Incoherently I mumbled
Eager to share the repartee
Trying too hard, too desperately

Now I know what I should have said
It really would have knocked 'em dead
They would have thought what a clever chap
If I'd come out with that

But it's too late unfortunately
The only one listening now
Is me
Helsy Flores Nov 2015
They liked to get lost in books
They both enjoyed a good movie
They looked for beauty and looks
They captured them in photography

They both knew deep inside
They were just the same
They both preferred to hide
They are both to blame

She was crazy about his eyes
She, herself, was a catch
They should’ve rolled the dice
They were the perfect match

And now it’s such a shame
Neither was brave enough to try
Blackjack will no longer be the game
And the flame will surely die
November 2015
solenn fresnay Nov 2012
A six heures trente- neuf ce matin le grand sourire et un peu trop de blush sur la joue gauche
J'ai senti qu'entre nous deux un léger décalage dans les pratiques professionnelles il y avait
Je n'ai pas su déterminer quel nombre exact de cuillères à café je devais mettre pour l'équivalent d'une cafetière pleine
J'en ai mis six
Il n'en fallait que deux
A midi moins deux minutes nous n'avions toujours pas fini nos toilettes
Il ne restait plus une goutte d'eau, juste des amas de mousse anti-cancer qui s'entassaient là à même le sol, noyés par des milliards de fourmis portant sur leurs dos trop courts des litres de caillots de sang
Le pire c'est le cancer de la vessie, on dirait de la porcelaine, j'osais à peine vous toucher, vous m'excusez?
En attendant le prochain voyage pour la planète cancer j'ai tartiné mon pain de confiture de groseilles, ou était-ce de la prune ?
Peu importe, je ne me sentais pas très bien et je voulais boire le sang de ma propre mère en prenant soin de m'étouffer avec ses quelques caillots restants, en hommage à ses quelques non-dits d'une vie plus que passée et depuis longtemps oubliée
Comme dans la cour d'école, vous ne m'avez pas choisi et j'ai senti que mes jambes me lâchaient
NE FAIRE QUE COMME VOUS ET ÉLIRE DOMICILE DANS VOTRE CAGE D'ESCALIER
J'ai dit "encombré", vous m'avez corrigée et ouvrez les guillemets, je cite: "Pas encombré, mais dyspnéique, cela s'appelle de la dyspnée"
CONN-ASSE
Je me suis appuyée contre le mur, vous ai simplement souri et tout n'allait pas trop bien avec mon blush en surdosage
Les mots étaient là coincés au travers de ma glotte, impossibles à sortir, je ne vous trouvais plus, vous ai simplement servi un café dans une petite tasse en ayant au préalable pensé y cracher toute ma morve dedans
CONNASSE, ON DIT PEUT ETRE DYSPNEIQUE ET PAS ENCOMBRE MAIS QUI DIT QUE TEL PATIENT EST P-SSSY A TOUT BOUT DE CHAMP CA VEUT DIRE QUOI D'AILLEURS ETRE P-SSSY SURTOUT QUAND ON VA CREVER?
Putain, j'ai rien pu dire du tout jusqu'au yaourt aux fruits rouges
Mes seules paroles formulées ne furent pas prises au sérieux et mon salaire ne fut plus qu’une avalanche de vers de terre en pente descendante
Comme un tel visage dépoussiéré et quelques centimètres d'un seul poumon à la surface de vos quatre-vingt trois printemps
Mais que nous reste-t-il donc à vivre ?
La tumeur est là bien visible et vous empêche de parler, presque, de respirer
Vous perdez la tête
Nous perdons la tête
Mais qu'avez-vous donc fait pour mériter telle souffrance?
Chaque nuit le même rêve d'un père que je tue de mes propres mains bouffées par la vermine
De là je l'entends geindre et ses draps sont tachés de sang mais je continue de courir
Je cours encore
Je cours toujours
Je ne sais faire que ça, courir
Je vais m'évanouir
Bon Dieu que je déteste les gens.

Mes cheveux me démangeaient alors dès la sortie des classes je suis allée m'acheter de la compote à la cerise et sur le chemin du retour mes cheveux continuaient à me démanger je les ai donc déposés bien délicatement au fond du caniveau de la rue Edgar Quinet
Je suis nulle, je suis nouille et je travaille à Convention
Et à Convention, vous faites quoi?
Dans le théâtre, je travaille dans le théâtre
Il s'appelle Boris et en fait c'est pas ça du tout
Il n'y avait pas de chauffage chez moi et la femme n'était pas enceinte
Je n'ai jamais rien compris au fonctionnement propre d'un miroir et j'ai mes derniers textes qui attendent d'être classés ainsi que la syntaxe à rafraîchir
Appelez-moi comme vous voulez et arrachez moi toutes mes dents, peu m’importe
J'ai le poste de télévision qui dérive sur la droite
Laissez-moi finir mon chapitre et surtout ne dites à personne ce que je vous ai dit
Oubliez l’écrivaine qui écrit comme elle respire
Je ne fais que torcher des culs comme on emballe des endives, le monde tourne à l'envers, le bateau coule, c'est la crise, non l'escroquerie pardon, te souviens-tu du jour où tu as rêvé...
Prendre un paquebot à l'amiante et t'envoler pour la planète Néant
N'oubliez jamais que peut-être demain matin de votre lit vous ne pourrez plus parler car durant une nuit sans fin votre tête rongée par la culpabilité aura été tranchée
Je sens je pisse encore du sang et ma vie n'est plus qu'un cargo à la dérive
Baissez donc le rideau et laissez-moi, vous m'avez assez emmerdé pour aujourd'hui.

.../...

Je l'ai vraiment tué ?

.../...

Je ne sais plus
Alors j'ai avalé les derniers débris de glace
Il respirait encore quand je suis partie
J'ai chié dans mon jean troué aux deux genoux et j'ai simplement continué de courir.
kk Jun 2013
When I say that I didn't get much sleep last night,
I mean that I spent seven hours in my bed
Thinking about the way that the morning light
might play off of your skin
And the way that you would shift and snuffle
into the mattress at my first nudge
And my light breath would be against the nape
of your neck,
Breathing in your contentedness
and how happy the sun is
To be warming your shoulders up as you wake.

So no, I didn't get much sleep last night.


  *"I think I'm falling asleep
   but then all that it means is
   I'll always be dreaming of
   you."
'L'esprit d'escalier (literally, the spirit of the stairway, idiomatically staircase wit) is a French term used in English that describes the predicament of thinking of the perfect retort too late.'
Brenten Hargrove Feb 2012
i dont think i will ever forget
How quickly she came running
She was always such a little whirlwind
Unable to justify this brutality
I watch the red kites fly in the sky
When will they fall again to give me this message
Give me one more meaning and one more word to say
But wait...
There he goes waiting again
I'll never let him overthink sorrow
with his golden kite in hand it falls from the auburn scorched sky
He never moves an inch and in this setting sun i will never find my spirit
There she is again running
will she ever learn that
When i say goodbye its meaningless
How quickly will i forget
Regardless of how high the mawkish red kites fly
there will always be
a never ending search for my spirit in a mid summers sky
Il y a des natures purement contemplatives et tout à fait impropres à l'action, qui cependant, sous une impulsion mystérieuse et inconnue, agissent quelquefois avec une rapidité dont elles se seraient crues elles-mêmes incapables.

Tel qui, craignant de trouver chez son concierge une nouvelle chagrinante, rôde lâchement une heure devant sa porte sans oser rentrer, tel qui garde quinze jours une lettre sans la décacheter, ou ne se résigne qu'au bout de six mois à opérer une démarche nécessaire depuis un an, se sentent quelquefois brusquement précipités vers l'action par une force irrésistible, comme la flèche d'un arc. Le moraliste et le médecin, qui prétendent tout savoir, ne peuvent pas expliquer d'où vient si subitement une si folle énergie à ces âmes paresseuses et voluptueuses, et comment, incapables d'accomplir les choses les plus simples et les plus nécessaires, elles trouvent à une certaine minute un courage de luxe pour exécuter les actes les plus absurdes et souvent même les plus dangereux.

Un de mes amis, le plus inoffensif rêveur qui ait existé, a mis une fois le feu à une forêt pour voir, disait-il, si le feu prenait avec autant de facilité qu'on l'affirme généralement. Dix fois de suite, l'expérience manqua ; mais, à la onzième, elle réussit beaucoup trop bien.

Un autre allumera un cigare à côté d'un tonneau de poudre, pour voir, pour savoir, pour tenter la destinée, pour se contraindre lui-même à faire preuve d'énergie, pour faire le joueur, pour connaître les plaisirs de l'anxiété, pour rien, par caprice, par désœuvrement.

C'est une espèce d'énergie qui jaillit de l'ennui et de la rêverie ; et ceux en qui elle se manifeste si opinément sont, en général, comme je l'ai dit, les plus indolents et les plus rêveurs des êtres.

Un autre, timide à ce point qu'il baisse les yeux même devant les regards des hommes, à ce point qu'il lui faut rassembler toute sa pauvre volonté pour entrer dans un café ou passer devant le bureau d'un théâtre, où les contrôleurs lui paraissent investis de la majesté de Minos, d'Éaque et de Rhadamanthe, sautera brusquement au cou d'un vieillard qui passe à côté de lui et l'embrassera avec enthousiasme devant la foule étonnée.

- Pourquoi ? Parce que... parce que cette physionomie lui était irrésistiblement sympathique ? Peut-être ; mais il est plus légitime de supposer que lui-même il ne sait pas pourquoi.

J'ai été plus d'une fois victime de ces crises et de ces élans, qui nous autorisent à croire que des Démons malicieux se glissent en nous et nous font accomplir, à notre insu, leurs plus absurdes volontés.

Un matin je m'étais levé maussade, triste, fatigué d'oisiveté, et poussé, me semblait-il, à faire quelque chose de grand, une action d'éclat ; et j'ouvris la fenêtre, hélas !

(Observez, je vous prie, que l'esprit de mystification qui, chez quelques personnes, n'est pas le résultat d'un travail ou d'une combinaison, mais d'une inspiration fortuite, participe beaucoup, ne fût-ce que par l'ardeur du désir, de cette humeur, hystérique selon les médecins, satanique selon ceux qui pensent un peu mieux que les médecins, qui nous pousse sans résistance vers une foule d'actions dangereuses ou inconvenantes.)

La première personne que j'aperçus dans la rue, ce fut un vitrier dont le cri perçant, discordant, monta jusqu'à moi à travers la lourde et sale atmosphère parisienne. Il me serait d'ailleurs impossible de dire pourquoi je fus pris à l'égard de ce pauvre homme d'une haine aussi soudaine que despotique.

« - Hé ! hé ! » et je lui criai de monter. Cependant je réfléchissais, non sans quelque gaieté, que, la chambre étant au sixième étage et l'escalier fort étroit, l'homme devait éprouver quelque peine à opérer son ascension et accrocher en maint endroit les angles de sa fragile marchandise.

Enfin il parut : j'examinai curieusement toutes ses vitres, et je lui dis : « - Comment ? vous n'avez pas de verres de couleur ? des verres roses, rouges, bleus, des vitres magiques, des vitres de paradis ? Impudent que vous êtes ! vous osez vous promener dans des quartiers pauvres, et vous n'avez pas même de vitres qui fassent voir la vie en beau ! » Et je le poussai vivement vers l'escalier, où il trébucha en grognant.

Je m'approchai du balcon et je me saisis d'un petit *** de fleurs, et quand l'homme reparut au débouché de la porte, je laissai tomber perpendiculairement mon engin de guerre sur le rebord postérieur de ses crochets ; et le choc le renversant, il acheva de briser sous son dos toute sa pauvre fortune ambulatoire qui rendit le bruit éclatant d'un palais de cristal crevé par la foudre.

Et, ivre de ma folie, je lui criai furieusement : « La vie en beau ! la vie en beau ! »

Ces plaisanteries nerveuses ne sont pas sans péril, et on peut souvent les payer cher. Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ?
Lorsque l'on veut monter aux tours des cathédrales,

On prend l'escalier noir qui roule ses spirales,

Comme un serpent de pierre au ventre d'un clocher.


L'on chemine d'abord dans une nuit profonde,

Sans trèfle de soleil et de lumière blonde,

Tâtant le mur des mains, de peur de trébucher ;


Car les hautes maisons voisines de l'église

Vers le pied de la tour versent leur ombre grise,

Qu'un rayon lumineux ne vient jamais trancher.


S'envolant tout à coup, les chouettes peureuses

Vous flagellent le front de leurs ailes poudreuses,

Et les chauves-souris s'abattent sur vos bras ;


Les spectres, les terreurs qui hantent les ténèbres,

Vous frôlent en passant de leurs crêpes funèbres ;

Vous les entendez geindre et chuchoter tout bas.


À travers l'ombre on voit la chimère accroupie

Remuer, et l'écho de la voûte assoupie

Derrière votre pas suscite un autre pas.


Vous sentez à l'épaule une pénible haleine,

Un souffle intermittent, comme d'une âme en peine

Qu'on aurait éveillée et qui vous poursuivrait.


Et si l'humidité fait des yeux de la voûte,

Larmes du monument, tomber l'eau goutte à goutte,

Il semble qu'on dérange une ombre qui pleurait.


Chaque fois que la vis, en tournant, se dérobe,

Sur la dernière marche un dernier pli de robe,

Irritante terreur, brusquement disparaît.


Bientôt le jour, filtrant par les fentes étroites,

Sur le mur opposé trace des lignes droites,

Comme une barre d'or sur un écusson noir.


L'on est déjà plus haut que les toits de la ville,

Édifices sans nom, masse confuse et vile,

Et par les arceaux gris le ciel bleu se fait voir.


Les hiboux disparus font place aux tourterelles,

Qui lustrent au soleil le satin de leurs ailes

Et semblent roucouler des promesses d'espoir.


Des essaims familiers perchent sur les tarasques,

Et, sans se rebuter de la laideur des masques,

Dans chaque bouche ouverte un oiseau fait son nid.


Les guivres, les dragons et les formes étranges

Ne sont plus maintenant que des figures d'anges,

Séraphiques gardiens taillés dans le granit,


Qui depuis huit cents ans, pensives sentinelles,

Dans leurs niches de pierre, appuyés sur leurs ailes,

Montent leur faction qui jamais ne finit.


Vous débouchez enfin sur une plate-forme,

Et vous apercevez, ainsi qu'un monstre énorme,

La Cité grommelante, accroupie alentour.


Comme un requin, ouvrant ses immenses mâchoires,

Elle mord l'horizon de ses mille dents noires,

Dont chacune est un dôme, un clocher, une tour.


À travers le brouillard, de ses naseaux de plâtre

Elle souffle dans l'air son haleine bleuâtre,

Que dore par flocons un chaud reflet de jour.


Comme sur l'eau qui bout monte et chante l'écume,

Sur la ville toujours plane une ardente brume,

Un bourdonnement sourd fait de cent bruits confus :


Ce sont les tintements et les grêles volées

Des cloches, de leurs voix sonores ou fêlées,

Chantant à plein gosier dans leurs beffrois touffus ;


C'est le vent dans le ciel et l'homme sur la terre ;

C'est le bruit des tambours et des clairons de guerre,

Ou des canons grondeurs sonnant sur leurs affûts ;


C'est la rumeur des chars, dont la prompte lanterne

File comme une étoile à travers l'ombre terne,

Emportant un heureux aux bras de son désir ;


Le soupir de la vierge au balcon accoudée,

Le marteau sur l'enclume et le fait sur l'idée,

Le cri de la douleur ou le chant du plaisir.


Dans cette symphonie au colossal orchestre,

Que n'écrira jamais musicien terrestre,

Chaque objet fait sa note impossible à saisir.


Vous pensiez être en haut ; mais voici qu'une aiguille,

Où le ciel découpé par dentelles scintille,

Se présente soudain devant vos pieds lassés.


Il faut monter encore dans la mince tourelle,

L'escalier qui serpente en spirale plus frêle,

Se pendant aux crampons de **** en **** placés.


Le vent, d'un air moqueur, à vos oreilles siffle,

La goule étend sa griffe et la guivre renifle,

Le vertige alourdit vos pas embarrassés.


Vous voyez **** de vous, comme dans des abîmes,

S'aplanir les clochers et les plus hautes cimes ;

Des aigles les plus fiers vous dominez l'essor.


Votre sueur se fige à votre front en nage ;

L'air trop vif vous étouffe : allons, enfant, courage !

Vous êtes près des cieux ; allons, un pas encore !


Et vous pourrez toucher, de votre main surprise,

L'archange colossal que fait tourner la brise,

Le saint Michel géant qui tient un glaive d'or ;


Et si, vous accoudant sur la rampe de marbre,

Qui palpite au grand vent, comme une branche d'arbre,

Vous dirigez en bas un œil moins effrayé,


Vous verrez la campagne à plus de trente lieues,

Un immense horizon, bordé de franges bleues,

Se déroulant sous vous comme un tapis rayé ;


Les carrés de blé d'or, les cultures zébrées,

Les plaques de gazon de troupeaux noirs tigrées ;

Et, dans le sainfoin rouge, un chemin blanc frayé ;


Les cités, les hameaux, nids semés dans la plaine,

Et partout, où se groupe une famille humaine,

Un clocher vers le ciel, comme un doigt s'allongeant.


Vous verrez dans le golfe, aux bras des promontoires,

La mer se diaprer et se gaufrer de moires,

Comme un kandjiar turc damasquiné d'argent ;


Les vaisseaux, alcyons balancés sur leurs ailes,

Piquer l'azur lointain de blanches étincelles

Et croiser en tous sens leur vol intelligent.


Comme un sein plein de lait gonflant leurs voiles ronde,

Sur la foi de l'aimant ils vont chercher des mondes,

Des rivages nouveaux sur de nouvelles mers :


Dans l'Inde, de parfums, d'or et de soleil pleine,

Dans la Chine bizarre, aux tours de porcelaine,

Chimérique pays peuplé de dragons verts ;


Ou vers Otaïti, la belle fleur des ondes,

De ses longs cheveux noirs tordant les perles blondes,

Comme une autre Vénus, fille des flots amers ;


À Ceylan, à Java, plus **** encore peut-être,

Dans quelque île déserte et dont on se rend maître,

Vers une autre Amérique échappée à Colomb.


Hélas ! Et vous aussi, sans crainte, ô mes pensées,

Livrant aux vents du ciel vos ailes empressées,

Vous tentez un voyage aventureux et long.


Si la foudre et le nord respectent vos antennes,

Des pays inconnus et des îles lointaines

Que rapporterez-vous ? De l'or, ou bien du plomb ?...


La spirale soudain s'interrompt et se brise.

Comme celui qui monte au clocher de l'église,

Me voici maintenant au sommet de ma tour.


J'ai planté le drapeau tout au haut de mon œuvre.

Ah ! Que depuis longtemps, pauvre et rude manœuvre,

Insensible à la joie, à la vie, à l'amour,


Pour garder mon dessin avec ses lignes pures,

J'émousse mon ciseau contre des pierres dures,

Élevant à grande peine une assise par jour !


Pendant combien de mois suis-je resté sous terre,

Creusant comme un mineur ma fouille solitaire,

Et cherchant le roc vif pour mes fondations !


Et pourtant le soleil riait sur la nature ;

Les fleurs faisaient l'amour, et toute créature

Livrait sa fantaisie au vent des passions ;


Le printemps dans les bois faisait courir la sève,

Et le flot, en chantant, venait baiser la grève ;

Tout n'était que parfum, plaisir, joie et rayons !


Patient architecte, avec mes mains pensives

Sur mes piliers trapus inclinant mes ogives,

Je fouillais sous l'église un temple souterrain ;


Puis l'église elle-même, avec ses colonnettes,

Qui semble, tant elle a d'aiguilles et d'arêtes,

Un madrépore immense, un polypier marin ;


Et le clocher hardi, grand peuplier de pierre,

Où gazouillent, quand vient l'heure de la prière,

Avec les blancs ramiers, des nids d'oiseaux d'airain.


Du haut de cette tour à grande peine achevée,

Pourrais-je t'entrevoir, perspective rêvée,

Terre de Chanaan où tendait mon effort ?


Pourrai-je apercevoir la figure du monde,

Les astres dans le ciel accomplissant leur ronde,

Et les vaisseaux quittant et regagnant le port ?


Si mon clocher passait seulement de la tête

Les toits ou les tuyaux de la ville, ou le faîte

De ce donjon aigu qui du brouillard ressort ;


S'il était assez haut pour découvrir l'étoile

Que la colline bleue avec son dos me voile,

Le croissant qui s'écorne au toit de la maison ;


Pour voir, au ciel de smalt, les flottantes nuées,

Par le vent du matin mollement remuées,

Comme un troupeau de l'air secouer leur toison ;


Et la gloire, la gloire, astre et soleil de l'âme,

Dans un océan d'or, avec le globe en flamme,

Majestueusement monter à l'horizon !
Nigel Morgan Dec 2014
The Open Studio

Usually the journey by car flattens expectation, and there’s that all-preoccupying conversation, so one only takes in the view where there’s a halt at a traffic light or at the occasional junction. A pattern on a wall, a damaged sign, a curtained window. Waiting, one looks and sometimes remembers, and what one sees later reappears in dreams or moments of disordered contemplation. A train journey is another matter: you sit and look, and when it is a trip rarely made, you put the book away and gaze beyond the ***** windows to a living landscape that scrolls past the frame of view. When you arrive there’s inevitably a walk: today through a town’s industrial hinterland, its pastness where former mill buildings have tactfully changed their use to become creative places, peopled with aspiration and strange activity. Walking reveals the despair of forlorn roadside business falling back into alleys ending in neglected and empty buildings, so much *******, silences of waste and decay.

But here’s the space, there’s a sign on a board outside, OPEN STUDIO TODAY. Entering inside it is quiet and cold, the door remaining open to let in the December air and the hoped-for visitors. But it’s bright and light: a welcoming presence of work and people and coffee and cake. And here’s the studio, a narrow space between make-shift walls where the artist works, where the work awaits, laid out on the surfaces of desks and tables, on shelves and walls, specimens of making; ‘stuff’, the soon-to-be, the collected, the in-progress-perhaps, the experimental.

Good, a heater blows noisily onto cold fingers. In the turbulent air pieces tremble slightly from their hangings on the walls. They are placed at a good height, a ‘good to be close to examine the detail’ height, the constructed, the made, the woven, the stitched, the printed, all assembled by the actions of those quiet, intent, those steady hands. There, a poem on a wall next to the window. Here, photographs of places unlabelled, unrecognised, but undoubtedly significant as a guide to the memory. Look, a dead badger lying in a road.

Next to the studio, a gallery space. Two walls covered with framed prints, well lit, a body of work captured behind glass, in limbo, waiting patiently for the attentive eye to sort the detail, that touch of the object on paper, that mark found and brought out of time and place. Perhaps these ‘things’, some known, some mysteriously foreign adrift from their natural context, have been collected by that bent form on a windswept beach, by the hand reaching out for the  gift in the gutter, struck by the foot on the track, unhidden in the grass by the riverside, what we might pass as without significance and beyond attention. This artist gives even the un-namable a new life, a collected-together form.

Moving closer let the eye enter the artist’s world of form and texture - and colour? There is a patina certainly, colour’s distant echo, what is seen on the edges, a left-behindness, more than any subtlety of language knows how to express, beyond comfortable descriptions, not excitable, where the spirit is damped down and is restful to the mind, a constancy of background, like a capturing of a cloud but bulging full of hints and suggestions, where texture is everywhere, nature’s rich patterns colliding with things once invented and made, used once, once used left and changed, thrown away, to be brought before the selecting eye and the possibility of form with meaning its patient partner.



J.M.W.Turner writes  on poetry and painting

Poetry having a more extensive power
Than our poor art, exerts its influence
Over all our passions; anxiety for our future
Reckoned the most persistent disposition.

Poetry raises our curiosity,
Engages the mind by degrees
To take an interest in the event,
And keeping that event suspended,
Overturns all we might expect.

The painter’s art is more confined,
Has nothing to equate with the poet’s power.
What is done by painting must be done at once,
And at one blow our curiosity receives
All the satisfaction it can know.

The painter can be novel, various and contrast,
Such is our pleasure and delight when put in motion.
Art, therefore, administers only to those wants,
And only to desires that exercise the mind.



Twilight

A day aside and diaried into busy lives
So to a morning walk to Turner’s View
Above the River Wharfe and Farnley Hall
Where it is said the inspiration came
For his famous oil of Hannibal,
with elephants and storm-glad Alps.

On to lunch where six around a table
Souped with salad before we homed
Mid afternoon the day in decline
We were done with words so watched
The edge-timed light flow between our hands.

Inevitably we climbed the stairs to lie
In twilight’s path beneath the skylight’s
Square a sliver-moon we couldn’t see
Gracing the remaining daylight hour
Marbled with shadows our collected
Curves and planes lay as sculptures
In the approaching dimity and dark
Each experimental stroke of touch
Holding us dumb to speech and thought
As night’s soft blanket covered us entire


Northcliffe Woods

Oh nest in the sky, empty of leaves,
Those tangled branches
Reaching out from twisted trunks
Into the sullen clouds above, when

Suddenly a crow -
Corvidae’, she said -
And simultaneously pulled
a hank of ivy from a nearby tree.

Hedera Helix I thought
But did not say, instead
I whispered to myself
Those ancient names I knew.

Bindwood, Lovestone
(For the way it clings
To bricks but ravages walls),
A vine with a mind of its own. But

She, in a different frame that day,
Apart, adrift and far away
From our usual walk and talk,
Fixed her gaze on the woodland floor,

Whilst skyward I sought again that
Corvid high in the branches web
Black beyond black beyond black
Against the pale white canopy above.


Franco*

Blow She Still
Ed insieme bussarono
Sweet Soft Frain
Cloche Lem Small
Spiri About Sezioni
Portrait Eco Agar
Le ruisseau sur l’escalier
Etwas ruhiger im Ausdruck
Jeux pour deux
For Grilly Fili Argor
Atem L’ultima sera
Omar Flag Ave
The Heart’s Eye*

play joy touch
code panel macro
refraction process solo
quick-change constrained
hiatus sonority colour
energy post-serial scintillating
aleatoric reuse transformation

A lonely child who imagined music
on sunday walks, he would talk about
how one lives with music as someone
would talk about how one might live
with illness or a handicap. He said,
‘You cannot write your life story in
music because words express the self
best whereas music expresses something
quite beyond words’.
This is collection of new and previous verse and prose gathered together as a gift for Christmas 2014 and New Year 2015. Each poem was accompanied by a photograph or painting. Sadly the wonderful Hello Poetry has yet to allow such pairings. The poem constructed from the words of J.M.W.Turner makes a good case I think for bringing image and word together - at least occasionally.
arvy lee Oct 2018
"I like you, wait no, I love you."
"Since when?"
"7 months ago. Maybe ever since that time I was curious of what's inside your head, and keep on being left amazed every time you spill your thoughts to me. You have such a beautiful mind. I can never get tired of listening to you voicing your thoughts."
"Why do I have a beautiful mind?"
"You're not afraid of talking about the future and your dreams, and you make me startled with how sure you are of what you're capable of. You know you have a strong presence and potential, and you're confident enough to take advantage of it. You won't hesitate to tell me how you feel, and honestly, I feel like whatever you say or talk about feels very close to home, because you comfort me with words of reassurance."
"Why else? Is there any other reason?"
"You are honest. I can be honest with you, too. You are caring. I love it when you just know that I had a bad day, and ask me to talk about it. You make me feel better. You stroke through my hair with your dainty fingers and you give me smiles you never give anyone else. You make me feel things that I have never felt before, and I am excited and I feel loved when I'm with you. You are also very, very beautiful. Very, very gorgeous. You are one hell of an amazing human and I love you very much."
"Thank you."
"There's more and I can literally write a book filled with reasons to love you, but that's for another day."
Melody Goodner Jun 2014
the spirit in the staircase is
always a creaky reminder of
what you could have said.
On voit dans le Musée antique,
Sur un lit de marbre sculpté,
Une statue énigmatique
D'une inquiétante beauté.

Est-ce un jeune homme ? est-ce une femme,
Une déesse, ou bien un dieu ?
L'amour, ayant peur d'être infâme,
Hésite et suspend son aveu.

Dans sa pose malicieuse,
Elle s'étend, le dos tourné
Devant la foule curieuse,
Sur son coussin capitonné.

Pour faire sa beauté maudite,
Chaque sexe apporta son don.
Tout homme dit : C'est Aphrodite !
Toute femme : C'est Cupidon !

Sexe douteux, grâce certaine,
On dirait ce corps indécis
Fondu, dans l'eau de la fontaine,
Sous les baisers de Salmacis.

Chimère ardente, effort suprême
De l'art et de la volupté,
Monstre charmant, comme je t'aime
Avec ta multiple beauté !

Bien qu'on défende ton approche,
Sous la draperie aux plis droits
Dont le bout à ton pied s'accroche,
Mes yeux ont plongé bien des fois.

Rêve de poète et d'artiste,
Tu m'as bien des nuits occupé,
Et mon caprice qui persiste
Ne convient pas qu'il s'est trompé.
Mais seulement il se transpose,
Et, passant de la forme au son,
Trouve dans sa métamorphose
La jeune fille et le garçon.

Que tu me plais, ô timbre étrange !
Son double, homme et femme à la fois,
Contralto, bizarre mélange,
Hermaphrodite de la voix !

C'est Roméo, c'est Juliette,
Chantant avec un seul gosier ;
Le pigeon rauque et la fauvette
Perchés sur le même rosier ;

C'est la châtelaine qui raille
Son beau page parlant d'amour ;
L'amant au pied de la muraille,
La dame au balcon de sa tour ;

Le papillon, blanche étincelle,
Qu'en ses détours et ses ébats
Poursuit un papillon fidèle,
L'un volant haut et l'autre bas ;

L'ange qui descend et qui monte
Sur l'escalier d'or voltigeant ;
La cloche mêlant dans sa fonte
La voix d'airain, la voix d'argent ;

La mélodie et l'harmonie,
Le chant et l'accompagnement ;
A la grâce la force unie,
La maîtresse embrassant l'amant !

Sur le pli de sa jupe assise,
Ce soir, ce sera Cendrillon
Causant prés du feu qu'elle attise
Avec son ami le grillon ;

Demain le valeureux Arsace
A son courroux donnant l'essor,
Ou Tancrède avec sa cuirasse,
Son épée et son casque d'or ;

Desdemona chantant le Saule,
Zerline bernant Mazetto,
Ou Malcolm le plaid sur l'épaule ;
C'est toi que j'aime, ô contralto !

Nature charmante et bizarre
Que Dieu d'un double attrait para,
Toi qui pourrais, comme Gulnare,
Etre le Kaled d'un Lara,

Et dont la voix, dans sa caresse,
Réveillant le coeur endormi,
Mêle aux soupirs de la maîtresse
L'accent plus mâle de l'ami !
Voici le trou, voici l'échelle. Descendez.
Tandis qu'au corps de garde en face on joue aux dés
En riant sous le nez des matrones bourrues,
Laissez le crieur rauque, assourdissant les rues,
Proclamer le numide ou le dace aux abois,
Et, groupés sous l'auvent des échoppes de bois,
Les savetiers romains et les marchandes d'herbes
De la Minerve étrusque échanger les proverbes ;
Descendez.

Vous voilà dans un lieu monstrueux.
Enfer d'ombre et de boue aux porches tortueux,
Où les murs ont la lèpre, où, parmi les pustules,
Glissent les scorpions mêlés aux tarentules.
Morne abîme !

Au-dessus de ce plafond fangeux,
Dans les cieux, dans le cirque immense et plein de jeux,
Sur les pavés sabins, dallages centenaires,
Roulent les chars, les bruits, les vents et les tonnerres ;
Le peuple gronde ou rit dans le forum sacré ;
Le navire d'Ostie au port est amarré,
L'arc triomphal rayonne, et sur la borne agraire
Tettent, nus et divins, Rémus avec son frère
Romulus, louveteaux de la louve d'airain ;
Non ****, le fleuve Tibre épand son flot serein,
Et la vache au flanc roux y vient boire, et les buffles
Laissent en fils d'argent l'eau tomber de leurs mufles.

Le hideux souterrain s'étend dans tous les sens ;
Il ouvre par endroits sous les pieds des passants
Ses soupiraux infects et flairés par les truies ;
Cette cave se change en fleuve au temps des pluies
Vers midi, tout au bord du soupirail vermeil,
Les durs barreaux de fer découpent le soleil,
Et le mur apparaît semblable au dos des zèbres
Tout le reste est miasme, obscurité, ténèbres
Par places le pavé, comme chez les tueurs,
Paraît sanglant ; la pierre a d'affreuses sueurs
Ici l'oubli, la peste et la nuit font leurs œuvres
Le rat heurte en courant la taupe ; les couleuvres
Serpentent sur le mur comme de noirs éclairs ;
Les tessons, les haillons, les piliers aux pieds verts,
Les reptiles laissant des traces de salives,
La toile d'araignée accrochée aux solives,
Des mares dans les coins, effroyables miroirs,
Où nagent on ne sait quels êtres lents et noirs,
Font un fourmillement horrible dans ces ombres.
La vieille hydre chaos rampe sous ces décombres.
On voit des animaux accroupis et mangeant ;
La moisissure rose aux écailles d'argent
Fait sur l'obscur bourbier luire ses mosaïques
L'odeur du lieu mettrait en fuite des stoïques
Le sol partout se creuse en gouffres empestés
Et les chauves-souris volent de tous côtés
Comme au milieu des fleurs s'ébattent les colombes.
On croit, dans cette brume et dans ces catacombes,
Entendre bougonner la mégère Atropos ;
Le pied sent dans la nuit le dos mou des crapauds ;
L'eau pleure ; par moments quelque escalier livide
Plonge lugubrement ses marches dans le vide.
Tout est fétide, informe, abject, terrible à voir.
Le charnier, le gibet, le ruisseau, le lavoir,
Les vieux parfums rancis dans les fioles persanes,
Le lavabo vidé des pâles courtisanes,
L'eau lustrale épandue aux pieds des dieux menteurs,
Le sang des confesseurs et des gladiateurs,
Les meurtres, les festins, les luxures hardies,
Le chaudron renversé des noires Canidies,
Ce que Trimalcion ***** sur le chemin,
Tous les vices de Rome, égout du genre humain,
Suintent, comme en un crible, à travers cette voûte,
Et l'immonde univers y filtre goutte à goutte.
Là-haut, on vit, on teint ses lèvres de carmin,
On a le lierre au front et la coupe à la main,
Le peuple sous les fleurs cache sa plaie impure
Et chante ; et c'est ici que l'ulcère suppure.
Ceci, c'est le cloaque, effrayant, vil, glacé.
Et Rome tout entière avec tout son passé,
Joyeuse, souveraine, esclave, criminelle,
Dans ce marais sans fond croupit, fange éternelle.
C'est le noir rendez-vous de l'immense néant ;
Toute ordure aboutit à ce gouffre béant ;
La vieille au chef branlant qui gronde et qui soupire
Y vide son panier, et le monde l'empire.
L'horreur emplit cet antre, infâme vision.
Toute l'impureté de la création
Tombe et vient échouer sur cette sombre rive.
Au fond, on entrevoit, dans une ombre où n'arrive
Pas un reflet de jour, pas un souffle de vent,
Quelque chose d'affreux qui fut jadis vivant,
Des mâchoires, des yeux, des ventres, des entrailles,
Des carcasses qui font des taches aux murailles
On approche, et longtemps on reste l'œil fixé
Sur ce tas monstrueux, dans la bourbe enfoncé,
Jeté là par un trou redouté des ivrognes,
Sans pouvoir distinguer si ces mornes charognes
Ont une forme encor visible en leurs débris,
Et sont des chiens crevés ou des césars pourris.

Jersey, le 30 avril 1853.
Paul d'Aubin Jan 2016
Florilèges de  trois poésies sur le café «Naziunale»
de Vicu

1- Premier Poème sur le café de Vicu
(Été 2010)
Un marronnier et trois tilleuls
Sur la fraîcheur comme un clin d'œil
Sous le soleil immobile
Dans l'ombrage des charmilles

Une façade de granit
Sur une salle composite
Sur les murs plusieurs footballeurs
Et d'un vieux berger la vigueur.

Pouvoir s'asseoir, se reposer
Et par-dessus tout siroter
Un verre de bière pression
Sans un souci à l'horizon.

A côté de vous, il fait chaud
Mais le zéphyr souffle tantôt
Sur votre peau, une caresse
Il faut dire que rien ne presse.
Une torpeur qui vous saisit
Un parfum de moments choisis
Mais après tout c'est bien l'été
Et son cortège de beautées.

Dans votre verre un pastis
Comme une senteur d'anis
De jolies filles font le détour
Parées de leurs jolis atours

Verre levé vous plaisantez
Pour l'œil des belles attirer
Mais les coquettes vont leur chemin
En masquant bien leurs vrais desseins





2 - Deuxième Poème au café de Vicu
(Été 2012)

Oh café de Vicu
Tilleuls et marronniers
Aux ombrages si frais
Apaisant les cieux lourds
Et les chaleurs de plomb.

Un chat à la queue courbe
Vient chercher les caresses
Que des femmes distraites
par des hommes ombrageux
Distraitement lui donnent.

Un tempo de langueur
Violone tes douceurs ;
et la « Serena » fraîche
fait plus que rafraichir
notre quête de soifs.

Oh café de Vicu
Tu sais nous préserver
Des vains emballements,
Des fureurs dérisoires
Propres à nous gâcher
Le songe de nos vies.






3 - Troisième poème sur le café «naziunale» de Vicu
(Été 2013)

Une large façade de granit, percée par deux larges portes,
donnant sur une vaste salle a haute cheminée.
Un marronnier et un tilleul vous font don d'une fraîcheur bienvenue,
A l'intérieur comme une icône de la «belle époque» une photographie de groupe d'hommes Corses en canotiers ou feutres mous prenant fièrement la pose devant l'appareil a trépied et le photographe pénétré de son art.

En face l'on voit la mairie de couleur rose, a l'escalier ventru,
Sur le côté droit, une pharmacie antique, aux volets bleus,
Et puis vers onze heure, le tiers des tables sont mises pour les repas,
Et les jeunes serveuse pimpantes s'affairent,
pour poser les serviettes en papier et servir les mélancoliques buveurs de bière «Pietra», a l'arôme fin de châtaigne.

Proche de ma table de Formica vert, deux belles blondes aux coiffures soignées,
sirotent leurs cafés et commentent avec un sérieux excessif une brochure de géographie plastifiée.
Mais parfois sourires et rires viennent donner a l'air léger cette adorable féminité qui manque tant à notre monde de brutes.
L’air est comme cristallin, et la lourde chaleur de Vicu semble conjurée par ce café-terrasse qui est havre de paix et de fraîche douceur.

Deux Corses, à la barbe bien taillée lisent avec une étrange attention, l’édition journalière de «Corse-Matin», interrompus par un ami de leur génération portant beau un feutre gris.
Les épagneuls du café sont curieusement rentrés dans la grande salle, alors qu'hier ils étaient accroupis en terrasse comme aimantes par la chaleur.
Il est maintenant 0nze heure trente docteur Sweitzer et «l'Humanité reste toujours au carrefour» hésitant entre feu vert et feu rouge dont traitèrent si bien Radovan Richta.
Mais, tant pis, la question ne se résoudra pas dans les douces langueurs de Vicu.
Les premiers dineurs ne se pressent pas aux tables dressés.
L’effleure un peu à Vicu, comme un parfum de l'Alambra, ou les repas sont repoussés **** dans l'après-midi ou dans la nuit.
A l'inverse, les couche-**** viennent se convaincre de leur réveil en s'attablant en terrasse demandant un double café, en passant commande d’un double expresso.

Paul Arrighi.
Œil pour œil ! Dent pour dent ! Tête pour tête ! A mort !
Justice ! L'échafaud vaut mieux que le remord.
Talion ! talion !

- Silence aux cris sauvages !
Non ! assez de malheur, de meurtre et de ravages !
Assez d'égorgements ! assez de deuil ! assez
De fantômes sans tête et d'affreux trépassés !
Assez de visions funèbres dans la brume !
Assez de doigts hideux, montrant le sang qui fume,
Noirs, et comptant les trous des linceuls dans la nuit !
Pas de suppliciés dont le cri nous poursuit !
Pas de spectres jetant leur ombre sur nos têtes !
Nous sommes ruisselants de toutes les tempêtes ;
Il n'est plus qu'un devoir et qu'une vérité,
C'est, après tant d'angoisse et de calamité.
Homme, d'ouvrir son cœur, oiseau, d'ouvrir son aile
Vers ce ciel que remplit la grande âme éternelle !
Le peuple, que les rois broyaient sous leurs talons.
Est la pierre promise au temple, et nous voulons
Que la pierre bâtisse et non qu'elle lapide !
Pas de sang ! pas de mort ! C'est un reflux stupide
Que la férocité sur la férocité.
Un pilier d'échafaud soutient mal la cité.
Tu veux faire mourir ! Moi je veux faire naître !
Je mure le sépulcre et j'ouvre la fenêtre.
Dieu n'a pas fait le sang, à l'amour réservé.
Pour qu'on le donne à boire aux fentes du pavé.
S'agit-il d'égorger ? Peuples, il s'agit d'être.
Quoi ! tu veux te venger, passant ? de qui ? du maître ?
Si tu ne vaux pas mieux, que viens-tu faire ici ?
Tout mystère où l'on jette un meurtre est obscurci ;
L'énigme ensanglantée est plus âpre à résoudre ;
L'ombre s'ouvre terrible après le coup de foudre ;
Tuer n'est pas créer, et l'on se tromperait
Si l'on croyait que tout finit au couperet ;
C'est là qu'inattendue, impénétrable, immense.
Pleine d'éclairs subits, la question commence ;
C'est du bien et du mal ; mais le mal est plus grand.
Satan rit à travers l'échafaud transparent.
Le bourreau, quel qu'il soit, a le pied dans l'abîme ;
Quoi qu'elle fasse, hélas ! la hache fait un crime ;
Une lugubre nuit fume sur ce tranchant ;
Quand il vient de tuer, comme, en s'en approchant.
On frémit de le voir tout ruisselant, et comme
On sent qu'il a frappé dans l'ombre plus qu'un homme
Sitôt qu'a disparu le coupable immolé.
Hors du panier tragique où la tête a roulé.
Le principe innocent, divin, inviolable.
Avec son regard d'astre à l'aurore semblable.
Se dresse, spectre auguste, un cercle rouge au cou.
L'homme est impitoyable, hélas, sans savoir où.
Comment ne voit-il pas qu'il vit dans un problème.
Que l'homme est solidaire avec ses monstres même.
Et qu'il ne peut tuer autre chose qu'Abel !
Lorsqu'une tête tombe, on sent trembler le ciel.
Décapitez Néron, cette hyène insensée,
La vie universelle est dans Néron blessée ;
Faites monter Tibère à l'échafaud demain,
Tibère saignera le sang du genre humain.
Nous sommes tous mêlés à ce que fait la Grève ;
Quand un homme, en public, nous voyant comme un rêve.
Meurt, implorant en vain nos lâches abandons.
Ce meurtre est notre meurtre et nous en répondons ;
C'est avec un morceau de notre insouciance.
C'est avec un haillon de notre conscience.
Avec notre âme à tous, que l'exécuteur las
Essuie en s'en allant son hideux coutelas.
L'homme peut oublier ; les choses importunes
S'effacent dans l'éclat ondoyant des fortunes ;
Le passé, l'avenir, se voilent par moments ;
Les festins, les flambeaux, les feux, les diamants.
L'illumination triomphale des fêtes.
Peuvent éclipser l'ombre énorme des prophètes ;
Autour des grands bassins, au bord des claires eaux.
Les enfants radieux peuvent aux cris d'oiseaux
Mêler le bruit confus de leurs lèvres fleuries.
Et, dans le Luxembourg ou dans les Tuileries,
Devant les vieux héros de marbre aux poings crispés.
Danser, rire et chanter : les lauriers sont coupés !
La Courtille au front bas peut noyer dans les verres
Le souvenir des jours illustres et sévères ;
La valse peut ravir, éblouir, enivrer
Des femmes de satin, heureuses de livrer
Le plus de nudité possible aux yeux de flamme ;
L'***** peut murmurer son chaste épithalame ;
Le bal masqué, lascif, paré, bruyant, charmant,
Peut allumer sa torche et bondir follement.
Goule au linceul joyeux, larve en fleurs, spectre rose ;
Mais, quel que soit le temps, quelle que soit la cause.
C'est toujours une nuit funeste au peuple entier
Que celle où, conduisant un prêtre, un guichetier
Fouille au trousseau de clefs qui pend à sa ceinture
Pour aller, sur le lit de fièvre et de torture,
Réveiller avant l'heure un pauvre homme endormi,
Tandis que, sur la Grève, entrevus à demi.
Sous les coups de marteau qui font fuir la chouette.
D'effrayants madriers dressent leur silhouette.
Rougis par la lanterne horrible du bourreau.
Le vieux glaive du juge a la nuit pour fourreau.
Le tribunal ne peut de ce fourreau livide
Tirer que la douleur, l'anxiété, le vide,
Le néant, le remords, l'ignorance et l'effroi.

Qu'il frappe au nom du peuple ou venge au nom du roi.
Justice ! dites-vous. - Qu'appelez-vous justice ?
Qu'on s'entr'aide, qu'on soit des frères, qu'on vêtisse
Ceux qui sont nus, qu'on donne à tous le pain sacré.
Qu'on brise l'affreux bagne où le pauvre est muré,
Mais qu'on ne touche point à la balance sombre !
Le sépulcre où, pensif, l'homme naufrage et sombre.
Au delà d'aujourd'hui, de demain, des saisons.
Des jours, du flamboiement de nos vains horizons,
Et des chimères, proie et fruit de notre étude,
A son ciel plein d'aurore et fait de certitude ;
La justice en est l'astre immuable et lointain.
Notre justice à nous, comme notre destin.
Est tâtonnement, trouble, erreur, nuage, doute ;
Martyr, je m'applaudis ; juge, je me redoute ;
L'infaillible, est-ce moi, dis ? est-ce toi ? réponds.
Vous criez : - Nos douleurs sont notre droit. Frappons.
Nous sommes trop en butte au sort qui nous accable.
Nous sommes trop frappés d'un mal inexplicable.
Nous avons trop de deuils, trop de jougs, trop d'hivers.
Nous sommes trop souffrants, dans nos destins divers.
Tous, les grands, les petits, les obscurs, les célèbres.
Pour ne pas condamner quelqu'un dans nos ténèbres. -
Puisque vous ne voyez rien de clair dans le sort.
Ne vous hâtez pas trop d'en conclure la mort.
Fût-ce la mort d'un roi, d'un maître et d'un despote ;
Dans la brume insondable où tout saigne et sanglote,
Ne vous hâtez pas trop de prendre vos malheurs.
Vos jours sans feu, vos jours sans pain, vos cris, vos pleurs.
Et ce deuil qui sur vous et votre race tombe.
Pour les faire servir à construire une tombe.
Quel pas aurez-vous fait pour avoir ajouté
A votre obscur destin, ombre et fatalité.
Cette autre obscurité que vous nommez justice ?
Faire de l'échafaud, menaçante bâtisse.
Un autel à bénir le progrès nouveau-né,
Ô vivants, c'est démence ; et qu'aurez-vous gagné
Quand, d'un culte de mort lamentables ministres.
Vous aurez marié ces infirmes sinistres,
La justice boiteuse et l'aveugle anankè ?
Le glaive toujours cherche un but toujours manqué ;
La palme, cette flamme aux fleurs étincelantes,
Faite d'azur, frémit devant des mains sanglantes.
Et recule et s'enfuit, sensitive des cieux !
La colère assouvie a le front soucieux.
Quant à moi, tu le sais, nuit calme où je respire,
J'aurais là, sous mes pieds, mon ennemi, le pire,
Caïn juge, Judas pontife, Satan roi.
Que j'ouvrirais ma porte et dirais : Sauve-toi !

Non, l'élargissement des mornes cimetières
N'est pas le but. Marchons, reculons les frontières
De la vie ! Ô mon siècle, allons toujours plus haut !
Grandissons !

Qu'est-ce donc qu'il nous veut, l'échafaud.
Cette charpente spectre accoutumée aux foules.
Cet îlot noir qu'assiège et que bat de ses houles
La multitude aux flots inquiets et mouvants.
Ce sépulcre qui vient attaquer les vivants,
Et qui, sur les palais ainsi que sur les bouges.
Surgit, levant un glaive au bout de ses bras rouges ?
Mystère qui se livre aux carrefours, morceau
De la tombe qui vient tremper dans le ruisseau,
Bravant le jour, le bruit, les cris ; bière effrontée
Qui, féroce, cynique et lâche, semble athée !
Ô spectacle exécré dans les plus repoussants.
Une mort qui se fait coudoyer aux passants,
Qui permet qu'un crieur hors de l'ombre la tire !
Une mort qui n'a pas l'épouvante du rire.
Dévoilant l'escalier qui dans la nuit descend,
Disant : voyez ! marchant dans la rue, et laissant
La boue éclabousser son linceul semé d'astres ;
Qui, sur un tréteau, montre entre deux vils pilastres
Son horreur, son front noir, son œil de basilic ;
Qui consent à venir travailler en public,
Et qui, prostituée, accepte, sur les places,
La familiarité des fauves populaces !

Ô vivant du tombeau, vivant de l'infini,
Jéhovah ! Dieu, clarté, rayon jamais terni.
Pour faire de la mort, de la nuit, des ténèbres,
Ils ont mis ton triangle entre deux pieux funèbres ;
Et leur foule, qui voit resplendir ta lueur.
Ne sent pas à son front poindre une âpre sueur.
Et l'horreur n'étreint pas ce noir peuple unanime.
Quand ils font, pour punir ce qu'ils ont nommé crime.
Au nom de ce qu'ils ont appelé vérité.
Sur la vie, o terreur, tomber l'éternité !
Mon rêve le plus cher et le plus caressé,

Le seul qui rit encore à mon cœur oppressé,

C'est de m'ensevelir au fond d'une chartreuse,

Dans une solitude inabordable, affreuse ;

****, bien ****, tout là-bas, dans quelque Sierra

Bien sauvage, où jamais voix d'homme ne vibra,

Dans la forêt de pins, parmi les âpres roches,

Où n'arrive pas même un bruit lointain de cloches ;

Dans quelque Thébaïde, aux lieux les moins hantés,

Comme en cherchaient les saints pour leurs austérités ;

Sous la grotte où grondait le lion de Jérôme,

Oui, c'est là que j'irais pour respirer ton baume

Et boire la rosée à ton calice ouvert,

Ô frêle et chaste fleur, qui crois dans le désert

Aux fentes du tombeau de l'Espérance morte !

De non cœur dépeuplé je fermerais la porte

Et j'y ferais la garde, afin qu'un souvenir

Du monde des vivants n'y pût pas revenir ;

J'effacerais mon nom de ma propre mémoire ;

Et de tous ces mots creux : Amour, Science et Gloire

Qu'aux jours de mon avril mon âme en fleur rêvait,

Pour y dormir ma nuit j'en ferais un chevet ;

Car je sais maintenant que vaut cette fumée

Qu'au-dessus du néant pousse une renommée.

J'ai regardé de près et la science et l'art :

J'ai vu que ce n'était que mensonge et hasard ;

J'ai mis sur un plateau de toile d'araignée

L'amour qu'en mon chemin j'ai reçue et donnée :

Puis sur l'autre plateau deux grains du vermillon

Impalpable, qui teint l'aile du papillon,

Et j'ai trouvé l'amour léger dans la balance.

Donc, reçois dans tes bras, ô douce somnolence,

Vierge aux pâles couleurs, blanche sœur de la mort,

Un pauvre naufragé des tempêtes du sort !

Exauce un malheureux qui te prie et t'implore,

Egraine sur son front le pavot inodore,

Abrite-le d'un pan de ton grand manteau noir,

Et du doigt clos ses yeux qui ne veulent plus voir.

Vous, esprits du désert, cependant qu'il sommeille,

Faites taire les vents et bouchez son oreille,

Pour qu'il n'entende pas le retentissement

Du siècle qui s'écroule, et ce bourdonnement

Qu'en s'en allant au but où son destin la mène

Sur le chemin du temps fait la famille humaine !


Je suis las de la vie et ne veux pas mourir ;

Mes pieds ne peuvent plus ni marcher ni courir ;

J'ai les talons usés de battre cette route

Qui ramène toujours de la science au doute.

Assez, je me suis dit, voilà la question.


Va, pauvre rêveur, cherche une solution

Claire et satisfaisante à ton sombre problème,

Tandis qu'Ophélia te dit tout haut : Je t'aime ;

Mon beau prince danois marche les bras croisés,

Le front dans la poitrine et les sourcils froncés,

D'un pas lent et pensif arpente le théâtre,

Plus pâle que ne sont ces figures d'albâtre,

Pleurant pour les vivants sur les tombeaux des morts ;

Épuise ta vigueur en stériles efforts,

Et tu n'arriveras, comme a fait Ophélie,

Qu'à l'abrutissement ou bien à la folie.

C'est à ce degré-là que je suis arrivé.

Je sens ployer sous moi mon génie énervé ;

Je ne vis plus ; je suis une lampe sans flamme,

Et mon corps est vraiment le cercueil de mon âme.


Ne plus penser, ne plus aimer, ne plus haïr,

Si dans un coin du cœur il éclot un désir,

Lui couper sans pitié ses ailes de colombe,

Être comme est un mort, étendu sous la tombe,

Dans l'immobilité savourer lentement,

Comme un philtre endormeur, l'anéantissement :

Voilà quel est mon vœu, tant j'ai de lassitude,

D'avoir voulu gravir cette côte âpre et rude,

Brocken mystérieux, où des sommets nouveaux

Surgissent tout à coup sur de nouveaux plateaux,

Et qui ne laisse voir de ses plus hautes cimes

Que l'esprit du vertige errant sur les abîmes.


C'est pourquoi je m'assieds au revers du fossé,

Désabusé de tout, plus voûté, plus cassé

Que ces vieux mendiants que jusques à la porte

Le chien de la maison en grommelant escorte.

C'est pourquoi, fatigué d'errer et de gémir,

Comme un petit enfant, je demande à dormir ;

Je veux dans le néant renouveler mon être,

M'isoler de moi-même et ne plus me connaître ;

Et comme en un linceul, sans y laisser un seul pli,

Rester enveloppé dans mon manteau d'oubli.


J'aimerais que ce fût dans une roche creuse,

Au penchant d'une côte escarpée et pierreuse,

Comme dans les tableaux de Salvator Rosa,

Où le pied d'un vivant jamais ne se posa ;

Sous un ciel vert, zébré de grands nuages fauves,

Dans des terrains galeux clairsemés d'arbres chauves,

Avec un horizon sans couronne d'azur,

Bornant de tous côtés le regard comme un mur,

Et dans les roseaux secs près d'une eau noire et plate

Quelque maigre héron debout sur une patte.

Sur la caverne, un pin, ainsi qu'un spectre en deuil

Qui tend ses bras voilés au-dessus d'un cercueil,

Tendrait ses bras en pleurs, et du haut de la voûte

Un maigre filet d'eau suintant goutte à goutte,

Marquerait par sa chute aux sons intermittents

Le battement égal que fait le cœur du temps.

Comme la Niobé qui pleurait sur la roche,

Jusqu'à ce que le lierre autour de moi s'accroche,

Je demeurerais là les genoux au menton,

Plus ployé que jamais, sous l'angle d'un fronton,

Ces Atlas accroupis gonflant leurs nerfs de marbre ;

Mes pieds prendraient racine et je deviendrais arbre ;

Les faons auprès de moi tondraient le gazon ras,

Et les oiseaux de nuit percheraient sur mes bras.


C'est là ce qu'il me faut plutôt qu'un monastère ;

Un couvent est un port qui tient trop à la terre ;

Ma nef tire trop d'eau pour y pouvoir entrer

Sans en toucher le fond et sans s'y déchirer.

Dût sombrer le navire avec toute sa charge,

J'aime mieux errer seul sur l'eau profonde et large.

Aux barques de pêcheur l'anse à l'abri du vent,

Aux simples naufragés de l'âme, le couvent.

À moi la solitude effroyable et profonde,

Par dedans, par dehors !


Par dedans, par dehors ! Un couvent, c'est un monde ;

On y pense, on y rêve, on y prie, on y croit :

La mort n'est que le seuil d'une autre vie ; on voit

Passer au long du cloître une forme angélique ;

La cloche vous murmure un chant mélancolique ;

La Vierge vous sourit, le bel enfant Jésus

Vous tend ses petits bras de sa niche ; au-dessus

De vos fronts inclinés, comme un essaim d'abeilles,

Volent les Chérubins en légions vermeilles.

Vous êtes tout espoir, tout joie et tout amour,

À l'escalier du ciel vous montez chaque jour ;

L'extase vous remplit d'ineffables délices,

Et vos cœurs parfumés sont comme des calices ;

Vous marchez entourés de célestes rayons

Et vos pieds après vous laissent d'ardents sillons !


Ah ! grands voluptueux, sybarites du cloître,

Qui passez votre vie à voir s'ouvrir et croître

Dans le jardin fleuri de la mysticité,

Les pétales d'argent du lis de pureté,

Vrais libertins du ciel, dévots Sardanapales,

Vous, vieux moines chenus, et vous, novices pâles,

Foyers couverts de cendre, encensoirs ignorés,

Quel don Juan a jamais sous ses lambris dorés

Senti des voluptés comparables aux vôtres !

Auprès de vos plaisirs, quels plaisirs sont les nôtres !

Quel amant a jamais, à l'âge où l'œil reluit,

Dans tout l'enivrement de la première nuit,

Poussé plus de soupirs profonds et pleins de flamme,

Et baisé les pieds nus de la plus belle femme

Avec la même ardeur que vous les pieds de bois

Du cadavre insensible allongé sur la croix !

Quelle bouche fleurie et d'ambroisie humide,

Vaudrait la bouche ouverte à son côté livide !

Notre vin est grossier ; pour vous, au lieu de vin,

Dans un calice d'or perle le sang divin ;

Nous usons notre lèvre au seuil des courtisanes,

Vous autres, vous aimez des saintes diaphanes,

Qui se parent pour vous des couleurs des vitraux

Et sur vos fronts tondus, au détour des arceaux,

Laissent flotter le bout de leurs robes de gaze :

Nous n'avons que l'ivresse et vous avez l'extase.

Nous, nos contentements dureront peu de jours,

Les vôtres, bien plus vifs, doivent durer toujours.

Calculateurs prudents, pour l'abandon d'une heure,

Sur une terre où nul plus d'un jour ne demeure,

Vous achetez le ciel avec l'éternité.

Malgré ta règle étroite et ton austérité,

Maigre et jaune Rancé, tes moines taciturnes

S'entrouvrent à l'amour comme des fleurs nocturnes,

Une tête de mort grimaçante pour nous

Sourit à leur chevet du rire le plus doux ;

Ils creusent chaque jour leur fosse au cimetière,

Ils jeûnent et n'ont pas d'autre lit qu'une bière,

Mais ils sentent vibrer sous leur suaire blanc,

Dans des transports divins, un cœur chaste et brûlant ;

Ils se baignent aux flots de l'océan de joie,

Et sous la volupté leur âme tremble et ploie,

Comme fait une fleur sous une goutte d'eau,

Ils sont dignes d'envie et leur sort est très-beau ;

Mais ils sont peu nombreux dans ce siècle incrédule

Creux qui font de leur âme une lampe qui brûle,

Et qui peuvent, baisant la blessure du Christ,

Croire que tout s'est fait comme il était écrit.

Il en est qui n'ont pas le don des saintes larmes,

Qui veillent sans lumière et combattent sans armes ;

Il est des malheureux qui ne peuvent prier

Et dont la voix s'éteint quand ils veulent crier ;

Tous ne se baignent pas dans la pure piscine

Et n'ont pas même part à la table divine :

Moi, je suis de ce nombre, et comme saint Thomas,

Si je n'ai dans la plaie un doigt, je ne crois pas.


Aussi je me choisis un antre pour retraite

Dans une région détournée et secrète

D'où l'on n'entende pas le rire des heureux

Ni le chant printanier des oiseaux amoureux,

L'antre d'un loup crevé de faim ou de vieillesse,

Car tout son m'importune et tout rayon me blesse,

Tout ce qui palpite, aime ou chante, me déplaît,

Et je hais l'homme autant et plus que ne le hait

Le buffle à qui l'on vient de percer la narine.

De tous les sentiments croulés dans la ruine,

Du temple de mon âme, il ne reste debout

Que deux piliers d'airain, la haine et le dégoût.

Pourtant je suis à peine au tiers de ma journée ;

Ma tête de cheveux n'est pas découronnée ;

À peine vingt épis sont tombés du faisceau :

Je puis derrière moi voir encore mon berceau.

Mais les soucis amers de leurs griffes arides

M'ont fouillé dans le front d'assez profondes rides

Pour en faire une fosse à chaque illusion.

Ainsi me voilà donc sans foi ni passion,

Désireux de la vie et ne pouvant pas vivre,

Et dès le premier mot sachant la fin du livre.

Car c'est ainsi que sont les jeunes d'aujourd'hui :

Leurs mères les ont faits dans un moment d'ennui.

Et qui les voit auprès des blancs sexagénaires

Plutôt que les enfants les estime les pères ;

Ils sont venus au monde avec des cheveux gris ;

Comme ces arbrisseaux frêles et rabougris

Qui, dès le mois de mai, sont pleins de feuilles mortes,

Ils s'effeuillent au vent, et vont devant leurs portes

Se chauffer au soleil à côté de l'aïeul,

Et du jeune et du vieux, à coup sûr, le plus seul,

Le moins accompagné sur la route du monde,

Hélas ! C'est le jeune homme à tête brune ou blonde

Et non pas le vieillard sur qui l'âge a neigé ;

Celui dont le navire est le plus allégé

D'espérance et d'amour, lest divin dont on jette

Quelque chose à la mer chaque jour de tempête,

Ce n'est pas le vieillard, dont le triste vaisseau

Va bientôt échouer à l'écueil du tombeau.

L'univers décrépit devient paralytique,

La nature se meurt, et le spectre critique

Cherche en vain sous le ciel quelque chose à nier.

Qu'attends-tu donc, clairon du jugement dernier ?

Dis-moi, qu'attends-tu donc, archange à bouche ronde

Qui dois sonner là-haut la fanfare du monde ?

Toi, sablier du temps, que Dieu tient dans sa main,

Quand donc laisseras-tu tomber ton dernier grain ?
L'ascenseur descendait toujours à perdre
Haleine
Et l'escalier montait toujours
Cette dame n'entend pas les discours
Elle est postiche
Moi qui déjà songeais à lui parler d'amour
Oh le commis
Si comique avec sa moustache et ses sourcils
Artificiels
Il a crié quand je les ai tirés
Étrange
Qu'ai-je vu Cette noble étrangère
Monsieur je ne suis pas une femme légère
Hou la laide
Par bonheur nous
Avons des valises en peau de porc
À toute épreuve
Celle-ci
Vingt dollars
Elle en contient mille
C'est toujours le même système
Pas de mesure
Ni de logique
Mauvais thème.
brandon nagley Jun 2015
A wraparound escalier
Rosette's to wrap ourn Dud's
Rebels to society
Low and high class thugs

Epicurean phenomenon!!!!

A Cosmo's to macroism's
Plasma to holy force
Phatom's of ourn own opera
As yen to take its course

Homage to ourn own castle!!!


Excretion to bare ourn name
Wild gluttons
Barbarian untamed
Spelling eachother's name

In hieroglyphic memorandum!!!

We shalt travel beyond old Egypt
We shalt gun the pagodas
We shalt peep the shrines of gosha

As in giants we shalt become!!!


A convent well maketh many babies
Basilica's of the angels
Seraph's of treaties

Shalt we sign ourn admiration in blood?

Tis
Yes
Tis
Love!!!

Kirks to keep ourn reme
mberance
Friary's to be attentive
As the mutuality

Shalt be sweet mine aimer!!!!

No distance shalt be to far
No rancor to blow ourn hearts
No hot mustard to stain out tarts

As Madrid shalt wrap us between acacia posie's!!!!
Depuis qu'Adam, ce cruel homme,
A perdu son fameux jardin,
Où sa femme, autour d'une pomme,
Gambadait sans vertugadin,
Je ne crois pas que sur la terre
Il soit un lieu d'arbres planté
Plus célébré, plus visité,
Mieux fait, plus joli, mieux hanté,
Mieux exercé dans l'art de plaire,
Plus examiné, plus vanté,
Plus décrit, plus lu, plus chanté,
Que l'ennuyeux parc de Versailles.
Ô dieux ! ô bergers ! ô rocailles !
Vieux Satyres, Termes grognons,
Vieux petits ifs en rangs d'oignons,
Ô bassins, quinconces, charmilles !
Boulingrins pleins de majesté,
Où les dimanches, tout l'été,
Bâillent tant d'honnêtes familles !
Fantômes d'empereurs romains,
Pâles nymphes inanimées
Qui tendez aux passants les mains,
Par des jets d'eau tout enrhumées !
Tourniquets d'aimables buissons,
Bosquets tondus où les fauvettes
Cherchent en pleurant leurs chansons,
Où les dieux font tant de façons
Pour vivre à sec dans leurs cuvettes !
Ô marronniers ! n'ayez pas peur ;
Que votre feuillage immobile,
Me sachant versificateur,
N'en demeure pas moins tranquille.
Non, j'en jure par Apollon
Et par tout le sacré vallon,
Par vous, Naïades ébréchées,
Sur trois cailloux si mal couchées,
Par vous, vieux maîtres de ballets,
Faunes dansant sur la verdure,
Par toi-même, auguste palais,
Qu'on n'habite plus qu'en peinture,
Par Neptune, sa fourche au poing,
Non, je ne vous décrirai point.
Je sais trop ce qui vous chagrine ;
De Phoebus je vois les effets :
Ce sont les vers qu'on vous a faits
Qui vous donnent si triste mine.
Tant de sonnets, de madrigaux,
Tant de ballades, de rondeaux,
Où l'on célébrait vos merveilles,
Vous ont assourdi les oreilles,
Et l'on voit bien que vous dormez
Pour avoir été trop rimés.

En ces lieux où l'ennui repose,
Par respect aussi j'ai dormi.
Ce n'était, je crois, qu'à demi :
Je rêvais à quelque autre chose.
Mais vous souvient-il, mon ami,
De ces marches de marbre rose,
En allant à la pièce d'eau
Du côté de l'Orangerie,
À gauche, en sortant du château ?
C'était par là, je le parie,
Que venait le roi sans pareil,
Le soir, au coucher du soleil,
Voir dans la forêt, en silence,
Le jour s'enfuir et se cacher
(Si toutefois en sa présence
Le soleil osait se coucher).
Que ces trois marches sont jolies !
Combien ce marbre est noble et doux !
Maudit soit du ciel, disions-nous,
Le pied qui les aurait salies !
N'est-il pas vrai ? Souvenez-vous.
- Avec quel charme est nuancée
Cette dalle à moitié cassée !
Voyez-vous ces veines d'azur,
Légères, fines et polies,
Courant, sous les roses pâlies,
Dans la blancheur d'un marbre pur ?
Tel, dans le sein robuste et dur
De la Diane chasseresse,
Devait courir un sang divin ;
Telle, et plus froide, est une main
Qui me menait naguère en laisse.
N'allez pas, du reste, oublier
Que ces marches dont j'ai mémoire
Ne sont pas dans cet escalier
Toujours désert et plein de gloire,
Où ce roi, qui n'attendait pas,
Attendit un jour, pas à pas,
Condé, lassé par la victoire.
Elles sont près d'un vase blanc,
Proprement fait et fort galant.
Est-il moderne ? est-il antique ?
D'autres que moi savent cela ;
Mais j'aime assez à le voir là,
Étant sûr qu'il n'est point gothique.
C'est un bon vase, un bon voisin ;
Je le crois volontiers cousin
De mes marches couleur de rose ;
Il les abrite avec fierté.
Ô mon Dieu ! dans si peu de chose
Que de grâce et que de beauté !

Dites-nous, marches gracieuses,
Les rois, les princes, les prélats,
Et les marquis à grands fracas,
Et les belles ambitieuses,
Dont vous avez compté les pas ;
Celles-là surtout, j'imagine,
En vous touchant ne pesaient pas.
Lorsque le velours ou l'hermine
Frôlaient vos contours délicats,
Laquelle était la plus légère ?
Est-ce la reine Montespan ?
Est-ce Hortense avec un roman,
Maintenon avec son bréviaire,
Ou Fontange avec son ruban ?
Beau marbre, as-tu vu la Vallière ?
De Parabère ou de Sabran
Laquelle savait mieux te plaire ?
Entre Sabran et Parabère
Le Régent même, après souper,
Chavirait jusqu'à s'y tromper.
As-tu vu le puissant Voltaire,
Ce grand frondeur des préjugés,
Avocat des gens mal jugés,
Du Christ ce terrible adversaire,
Bedeau du temple de Cythère,
Présentant à la Pompadour
Sa vieille eau bénite de cour ?
As-tu vu, comme à l'ermitage,
La rondelette Dubarry
Courir, en buvant du laitage,
Pieds nus, sur le gazon fleuri ?
Marches qui savez notre histoire,
Aux jours pompeux de votre gloire,
Quel heureux monde en ces bosquets !
Que de grands seigneurs, de laquais,
Que de duchesses, de caillettes,
De talons rouges, de paillettes,
Que de soupirs et de caquets,
Que de plumets et de calottes,
De falbalas et de culottes,
Que de poudre sous ces berceaux,
Que de gens, sans compter les sots !
Règne auguste de la perruque,
Le bourgeois qui te méconnaît
Mérite sur sa plate nuque
D'avoir un éternel bonnet.
Et toi, siècle à l'humeur badine,
Siècle tout couvert d'amidon,
Ceux qui méprisent ta farine
Sont en horreur à Cupidon !...
Est-ce ton avis, marbre rose ?
Malgré moi, pourtant, je suppose
Que le hasard qui t'a mis là
Ne t'avait pas fait pour cela.
Aux pays où le soleil brille,
Près d'un temple grec ou latin,
Les beaux pieds d'une jeune fille,
Sentant la bruyère et le thym,
En te frappant de leurs sandales,
Auraient mieux réjoui tes dalles
Qu'une pantoufle de satin.
Est-ce d'ailleurs pour cet usage
Que la nature avait formé
Ton bloc jadis vierge et sauvage
Que le génie eût animé ?
Lorsque la pioche et la truelle
T'ont scellé dans ce parc boueux,
En t'y plantant malgré les dieux,
Mansard insultait Praxitèle.
Oui, si tes flancs devaient s'ouvrir,
Il fallait en faire sortir
Quelque divinité nouvelle.
Quand sur toi leur scie a grincé,
Les tailleurs de pierre ont blessé
Quelque Vénus dormant encore,
Et la pourpre qui te colore
Te vient du sang qu'elle a versé.

Est-il donc vrai que toute chose
Puisse être ainsi foulée aux pieds,
Le rocher où l'aigle se pose,
Comme la feuille de la rose
Qui tombe et meurt dans nos sentiers ?
Est-ce que la commune mère,
Une fois son oeuvre accompli,
Au hasard livre la matière,
Comme la pensée à l'oubli ?
Est-ce que la tourmente amère
Jette la perle au lapidaire
Pour qu'il l'écrase sans façon ?
Est-ce que l'absurde vulgaire
Peut tout déshonorer sur terre
Au gré d'un cuistre ou d'un maçon ?
I


Las de ce calme plat où d'avance fanées,

Comme une eau qui s'endort, croupissent nos années ;

Las d'étouffer ma vie en un salon étroit,

Avec de jeunes fats et des femmes frivoles,

Echangeant sans profit de banales paroles ;

Las de toucher toujours mon horizon du doigt.


Pour me refaire au grand et me rélargir l'âme,

Ton livre dans ma poche, aux tours de Notre-Dame ;

Je suis allé souvent, Victor,

A huit heures, l'été, quand le soleil se couche,

Et que son disque fauve, au bord des toits qu'il touche,

Flotte comme un gros ballon d'or.


Tout chatoie et reluit ; le peintre et le poète

Trouvent là des couleurs pour charger leur palette,

Et des tableaux ardents à vous brûler les yeux ;

Ce ne sont que saphirs, cornalines, opales,

Tons à faire trouver Rubens et Titien pâles ;

Ithuriel répand son écrin dans les cieux.


Cathédrales de brume aux arches fantastiques ;

Montagnes de vapeurs, colonnades, portiques,

Par la glace de l'eau doublés,

La brise qui s'en joue et déchire leurs franges,

Imprime, en les roulant, mille formes étranges

Aux nuages échevelés.


Comme, pour son bonsoir, d'une plus riche teinte,

Le jour qui fuit revêt la cathédrale sainte,

Ébauchée à grands traits à l'horizon de feu ;

Et les jumelles tours, ces cantiques de pierre,

Semblent les deux grands bras que la ville en prière,

Avant de s'endormir, élève vers son Dieu.


Ainsi que sa patronne, à sa tête gothique,

La vieille église attache une gloire mystique

Faite avec les splendeurs du soir ;

Les roses des vitraux, en rouges étincelles,

S'écaillent brusquement, et comme des prunelles,

S'ouvrent toutes rondes pour voir.


La nef épanouie, entre ses côtes minces,

Semble un crabe géant faisant mouvoir ses pinces,

Une araignée énorme, ainsi que des réseaux,

Jetant au front des tours, au flanc noir des murailles,

En fils aériens, en délicates mailles,

Ses tulles de granit, ses dentelles d'arceaux.


Aux losanges de plomb du vitrail diaphane,

Plus frais que les jardins d'Alcine ou de Morgane,

Sous un chaud baiser de soleil,

Bizarrement peuplés de monstres héraldiques,

Éclosent tout d'un coup cent parterres magiques

Aux fleurs d'azur et de vermeil.


Légendes d'autrefois, merveilleuses histoires

Écrites dans la pierre, enfers et purgatoires,

Dévotement taillés par de naïfs ciseaux ;

Piédestaux du portail, qui pleurent leurs statues,

Par les hommes et non par le temps abattues,

Licornes, loups-garous, chimériques oiseaux,


Dogues hurlant au bout des gouttières ; tarasques,

Guivres et basilics, dragons et nains fantasques,

Chevaliers vainqueurs de géants,

Faisceaux de piliers lourds, gerbes de colonnettes,

Myriades de saints roulés en collerettes,

Autour des trois porches béants.


Lancettes, pendentifs, ogives, trèfles grêles

Où l'arabesque folle accroche ses dentelles

Et son orfèvrerie, ouvrée à grand travail ;

Pignons troués à jour, flèches déchiquetées,

Aiguilles de corbeaux et d'anges surmontées,

La cathédrale luit comme un bijou d'émail !


II


Mais qu'est-ce que cela ? Lorsque l'on a dans l'ombre

Suivi l'escalier svelte aux spirales sans nombre

Et qu'on revoit enfin le bleu,

Le vide par-dessus et par-dessous l'abîme,

Une crainte vous prend, un vertige sublime

A se sentir si près de Dieu !


Ainsi que sous l'oiseau qui s'y perche, une branche

Sous vos pieds qu'elle fuit, la tour frissonne et penche,

Le ciel ivre chancelle et valse autour de vous ;

L'abîme ouvre sa gueule, et l'esprit du vertige,

Vous fouettant de son aile en ricanant voltige

Et fait au front des tours trembler les garde-fous,


Les combles anguleux, avec leurs girouettes,

Découpent, en passant, d'étranges silhouettes

Au fond de votre œil ébloui,

Et dans le gouffre immense où le corbeau tournoie,

Bête apocalyptique, en se tordant aboie,

Paris éclatant, inouï !


Oh ! le cœur vous en bat, dominer de ce faîte,

Soi, chétif et petit, une ville ainsi faite ;

Pouvoir, d'un seul regard, embrasser ce grand tout,

Debout, là-haut, plus près du ciel que de la terre,

Comme l'aigle planant, voir au sein du cratère,

****, bien ****, la fumée et la lave qui bout !


De la rampe, où le vent, par les trèfles arabes,

En se jouant, redit les dernières syllabes

De l'hosanna du séraphin ;

Voir s'agiter là-bas, parmi les brumes vagues,

Cette mer de maisons dont les toits sont les vagues ;

L'entendre murmurer sans fin ;


Que c'est grand ! Que c'est beau ! Les frêles cheminées,

De leurs turbans fumeux en tout temps couronnées,

Sur le ciel de safran tracent leurs profils noirs,

Et la lumière oblique, aux arêtes hardies,

Jetant de tous côtés de riches incendies

Dans la moire du fleuve enchâsse cent miroirs.


Comme en un bal joyeux, un sein de jeune fille,

Aux lueurs des flambeaux s'illumine et scintille

Sous les bijoux et les atours ;

Aux lueurs du couchant, l'eau s'allume, et la Seine

Berce plus de joyaux, certes, que jamais reine

N'en porte à son col les grands jours.


Des aiguilles, des tours, des coupoles, des dômes

Dont les fronts ardoisés luisent comme des heaumes,

Des murs écartelés d'ombre et de clair, des toits

De toutes les couleurs, des résilles de rues,

Des palais étouffés, où, comme des verrues,

S'accrochent des étaux et des bouges étroits !


Ici, là, devant vous, derrière, à droite, à gauche,

Des maisons ! Des maisons ! Le soir vous en ébauche

Cent mille avec un trait de feu !

Sous le même horizon, Tyr, Babylone et Rome,

Prodigieux amas, chaos fait de main d'homme,

Qu'on pourrait croire fait par Dieu !


III


Et cependant, si beau que soit, ô Notre-Dame,

Paris ainsi vêtu de sa robe de flamme,

Il ne l'est seulement que du haut de tes tours.

Quand on est descendu tout se métamorphose,

Tout s'affaisse et s'éteint, plus rien de grandiose,

Plus rien, excepté toi, qu'on admire toujours.


Car les anges du ciel, du reflet de leurs ailes,

Dorent de tes murs noirs les ombres solennelles,

Et le Seigneur habite en toi.

Monde de poésie, en ce monde de prose,

A ta vue, on se sent battre au cœur quelque chose ;

L'on est pieux et plein de foi !


Aux caresses du soir, dont l'or te damasquine,

Quand tu brilles au fond de ta place mesquine,

Comme sous un dais pourpre un immense ostensoir ;

A regarder d'en bas ce sublime spectacle,

On croit qu'entre tes tours, par un soudain miracle,

Dans le triangle saint Dieu se va faire voir.


Comme nos monuments à tournure bourgeoise

Se font petits devant ta majesté gauloise,

Gigantesque sœur de Babel,

Près de toi, tout là-haut, nul dôme, nulle aiguille,

Les faîtes les plus fiers ne vont qu'à ta cheville,

Et, ton vieux chef heurte le ciel.


Qui pourrait préférer, dans son goût pédantesque,

Aux plis graves et droits de ta robe Dantesque,

Ces pauvres ordres grecs qui se meurent de froid,

Ces panthéons bâtards, décalqués dans l'école,

Antique friperie empruntée à Vignole,

Et, dont aucun dehors ne sait se tenir droit.


Ô vous ! Maçons du siècle, architectes athées,

Cervelles, dans un moule uniforme jetées,

Gens de la règle et du compas ;

Bâtissez des boudoirs pour des agents de change,

Et des huttes de plâtre à des hommes de fange ;

Mais des maisons pour Dieu, non pas !


Parmi les palais neufs, les portiques profanes,

Les parthénons coquets, églises courtisanes,

Avec leurs frontons grecs sur leurs piliers latins,

Les maisons sans pudeur de la ville païenne ;

On dirait, à te voir, Notre-Dame chrétienne,

Une matrone chaste au milieu de catins !
Flaneur Jun 2013
Monsieur du ciel,
Je me demande s’il me souviendrait encore.
Je n'oublie jamais de ce moment que j'ai redescendu l'escalier.
Le 2h que je répète toujours dans la tète
Il y a 10 mois mais c'est assez très lucide.
S’il y a un amant dans son cœur donc
Il la sait bien.
Qu’aurais-je?
La regrette, et les questions.
Que je puisse retourner.
A un souri dans la réalité.
Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté,

Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
A sa douceur.

Tu portes plus galamment
Qu'une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.

Au lieu d'un haillon trop court,
Qu'un superbe habit de cour
Traîne à plis bruyants et longs
Sur tes talons ;

En place de bas troués,
Que pour les yeux des roués
Sur ta jambe un poignard d'or
Reluise encor ;

Que des noeuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux ;

Que pour te déshabiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent à coups mutins
Les doigts lutins,

Perles de la plus belle eau,
Sonnets de maître Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,

Valetaille de rimeurs
Te dédiant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l'escalier,

Maint page épris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Épieraient pour le déduit
Ton frais réduit !

Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d'un Valois !

- Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux débris gisant
Au seuil de quelque Véfour
De carrefour ;

Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh ! pardon !
Te faire don.

Va donc ! sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté !
À l'Hôtel de l'Univers et de l'Aveyron
Le Métropolitain passe par la fenêtre
La fille aux-yeux-de-sol m'y rejoindra peut-être
Mon cœur
Que lui dirons-nous quand nous la verrons
Compte les fleurs ma chère
Compte les fleurs du mur
Mon cœur est en jachères
Attention
L'escalier est peu sûr
Que n'es-tu la vachère
Qui mène les amants en Mésopotamie.
Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort.

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit !

La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

La rumeur approche.
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit ;
Comme un bruit de foule,
Qui tonne et qui roule,
Et tantôt s'écroule,
Et tantôt grandit,

Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !... Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond.
Déjà, s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

C'est l'essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant !
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau, lourd et rapide,
Volant dans l'espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près ! - Tenons fermée
Cette salle, où nous les narguons.
Quel bruit dehors ! Hideuse armée
De vampires et de dragons !
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée
Tremble, à déraciner ses gonds !

Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure !
L'horrible essaim, poussé par l'aquilon,
Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle, penchée,
Et l'on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon.

Prophète ! si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d'étincelles,
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs !

Ils sont passés ! - Leur cohorte
S'envole, et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !

De leurs ailes lointaines
Le battement décroît,
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d'une voix grêle,
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d'un vieux toit.

D'étranges syllabes
Nous viennent encor ;
Ainsi, des Arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leurs pas ;
Leur essaim gronde ;
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord ;
C'est la plainte,
Presque éteinte,
D'une sainte
Pour un mort.

On doute
La nuit...
J'écoute : -
Tout fuit,
Tout passe ;
L'espace
Efface
Le bruit.

Le 12 août 1828.
Jana Sep 2013
l'esprit de l'escalier* -
The feeling you get when
you leave a conversation
and think of all the things
you should have said.
There is no word
in the English language
that could explain this.
You're thinking of someone
right now, aren't you?
Because I am too.
Dans des vers immortels que vous savez sans doute,
Dante acceptant d'un prince et le toit et l'appui,
Des chagrins de l'exil abreuvé goutte à goutte,
Nous a montré son coeur tout plein d'un sombre ennui ;
Et combien est amer, pour celui qui le goûte,
Le pain de l'étranger, et tout ce qu'il en coûte
De monter et descendre à l'escalier d'autrui...
Moi, qui ne le vaux pas, j'ai trouvé mieux que lui.
Ici, malgré ces vers de funèbre présage,
J'ai trouvé le pain bon, et meilleur le visage,
Et l'opulent bien-être et les plaisirs permis.
C'est que Dante, égaré dans des sphères trop hautes,
Avait un protecteur, et que moi j'ai des hôtes ;
C'est qu'il avait un maître et que j'ai des amis.
Sonnet.


Le poète au cachot, débraillé, maladif,
Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d'un regard que la terreur enflamme
L'escalier de vertige où s'abîme son âme.

Les rires enivrants dont s'emplit la prison
Vers l'étrange et l'absurde invitent sa raison ;
Le Doute l'environne, et la Peur ridicule,
Hideuse et multiforme, autour de lui circule.

Ce génie enfermé dans un taudis malsain,
Ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l'essaim
Tourbillonne, ameuté derrière son oreille,

Ce rêveur que l'horreur de son logis réveille,
Voilà bien ton emblème, Ame aux songes obscurs,
Que le Réel étouffe entre ses quatre murs !


Écrit en 1842.
Comme un exilé du vieux thème,
J'ai descendu ton escalier ;
Mais ce qu'a lié l'Amour même,
Le temps ne peut le délier.

Chaque soir quand ton corps se couche
Dans ton lit qui n'est plus à moi,
Tes lèvres sont **** de ma bouche ;
Cependant, je dors près de Toi.

Quand je sors de la vie humaine,
J'ai l'air d'être en réalité
Un monsieur seul qui se promène ;
Pourtant je marche à ton côté.

Ma vie à la tienne est tressée
Comme on tresse des fils soyeux,
Et je pense avec ta pensée,
Et je regarde avec tes yeux.

Quand je dis ou fais quelque chose,
Je te consulte, tout le temps ;
Car je sais, du moins, je suppose,
Que tu me vois, que tu m'entends.

Moi-même je vois tes yeux vastes,
J'entends ta lèvre au rire fin.
Et c'est parfois dans mes nuits chastes
Des conversations sans fin.

C'est une illusion sans doute,
Tout cela n'a jamais été ;
C'est cependant, Mignonne, écoute,
C'est cependant la vérité.

Du temps où nous étions ensemble,
N'ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m'as-tu pas, dans un baiser,

Ne m'as-tu pas donné ton âme ?
Or le baiser s'est envolé,
Mais l'âme est toujours là, Madame ;
Soyez certaine que je l'ai.
Purcy Flaherty Jan 2018
Amour fou,
Une voix pleine de désir,
Comme l'appel d'une sirène,
Comme l’appel du vide;
l’appel du videis,
Je suis à vous.

Je t'embrasse doucement;
comme si j'embrassais ton sexe,
Je cherchez la femme,
Mon Ventre à terre,
Peau comme de la soie,
nos bouches pleines de passion
~ et de vin,
l’esprit de l’escalier!

Je taime !
Passion, crazy love, a voice full of desire, like the call of a siren; like the call of emptiness, the call of the void. I'm yours! I kiss you gently like I kiss your ***, I'm looking for the woman; my belly on the floor, skin like silk, our mouths full of passion and wine, the spirit of the stairs, I love you!
J'aime le carillon dans tes cités antiques,
Ô vieux pays gardien de tes moeurs domestiques,
Noble Flandre, où le Nord se réchauffe engourdi
Au soleil de Castille et s'accouple au Midi !
Le carillon, c'est l'heure inattendue et folle,
Que l'oeil croit voir, vêtue en danseuse espagnole,
Apparaître soudain par le trou vif et clair
Que ferait en s'ouvrant une porte de l'air.
Elle vient, secouant sur les toits léthargiques
Son tablier d'argent plein de notes magiques,
Réveillant sans pitié les dormeurs ennuyeux,
Sautant à petits pas comme un oiseau joyeux,
Vibrant, ainsi qu'un dard qui tremble dans la cible ;
Par un frêle escalier de cristal invisible,
Effarée et dansante, elle descend des cieux ;
Et l'esprit, ce veilleur fait d'oreilles et d'yeux,
Tandis qu'elle va, vient, monte et descend encore,
Entend de marche en marche errer son pied sonore !

Malines, août 1837.
I.

En ces temps-là c'était une ville tombée
Au pouvoir des Anglais, maîtres des vastes mers,
Qui, du canon battue et de terreur courbée,
Disparaissait dans les éclairs.

C'était une cité qu'ébranlait le tonnerre
À l'heure où la nuit tombe, à l'heure où le jour naît,
Qu'avait prise en sa griffe Albion, qu'en sa serre
La République reprenait.

Dans la rade couraient les frégates meurtries ;
Les pavillons pendaient troués par le boulet ;
Sur le front orageux des noires batteries
La fumée à longs flots roulait.

On entendait gronder les forts, sauter les poudres ;
Le brûlot flamboyait sur la vague qui luit ;
Comme un astre effrayant qui se disperse en foudres
La bombe éclatait dans la nuit.

Sombre histoire ! quel temps ! et quelle illustre page !
Tout se mêlait, le mât coupé, le mur détruit,
Les obus, le sifflet des maîtres d'équipage,
Et l'ombre, et l'horreur, et le bruit.

Ô France ! tu couvrais alors toute la terre
Du choc prodigieux de tes rebellions.
Les rois lâchaient sur toi le tigre et la panthère,
Et toi, tu lâchais les lions.

Alors la République avait quatorze armées.
On luttait sur les monts et sur les océans.
Cent victoires jetaient au vent cent renommées,
On voyait surgir les géants !

Alors apparaissaient des aubes rayonnantes.
Des inconnus, soudain éblouissant les yeux,
Se dressaient, et faisaient aux trompettes sonnantes
Dire leurs noms mystérieux.

Ils faisaient de leurs jours de sublimes offrandes ;
Ils criaient : Liberté ! guerre aux tyrans ! mourons !
Guerre ! et la gloire ouvrait ses ailes toutes grandes
Au dessus de ces jeunes fronts !

II.

Aujourd'hui c'est la ville où toute honte échoue.
Là, quiconque est abject, horrible et malfaisant,
Quiconque un jour plongea son honneur dans la boue,
Noya son âme dans le sang,

Là, le faux-monnayeur pris la main sur sa forge,
L'homme du faux serment et l'homme du faux poids,
Le brigand qui s'embusque et qui saute à la gorge
Des passants, la nuit, dans les bois,

Là, quand l'heure a sonné, cette heure nécessaire,
Toujours, quoi qu'il ait fait pour fuir, quoi qu'il ait dit,
Le pirate hideux, le voleur, le faussaire,
Le parricide, le bandit,

Qu'il sorte d'un palais ou qu'il sorte d'un bouge,
Vient, et trouve une main, froide comme un verrou,
Qui sur le dos lui jette une casaque rouge
Et lui met un carcan au cou !

L'aurore luit, pour eux sombre et pour nous vermeille.
Allons ! debout ! ils vont vers le sombre Océan,
Il semble que leur haine avec eux se réveille,
Et dit : me voilà ; viens-nous-en !

Ils marchent, au marteau présentant leurs manilles,
A leur chaîne cloués, mêlant leurs pas bruyants,
Traînant leur pourpre infâme en hideuses guenilles,
Humbles, furieux, effrayants.

Les pieds nus, leur bonnet baissé sur leurs paupières,
Dès l'aube harassés, l'œil mort, les membres lourds,
Ils travaillent, creusant des rocs, roulant des pierres,
Sans trêve hier, demain, toujours.

Pluie ou soleil, hiver, été, que juin flamboie,
Que janvier pleure, ils vont, leur destin s'accomplit,
Avec le souvenir de leurs crimes pour joie,
Avec une planche pour lit.

Le soir, comme un troupeau l'argousin vil les compte.
Ils montent deux à deux l'escalier du ponton,
Brisés, vaincus, le cœur incliné sous la honte,
Le dos courbé sous le bâton.

La pensée implacable habite encore leurs têtes.
Morts vivants, aux labeurs voués, marqués au front,
Il rampent, recevant le fouet comme des bêtes,
Et comme des hommes l'affront.

III.

Ville que l'infamie et la gloire ensemencent,
Où du forçat pensif le fer tond les cheveux,
Ô Toulon! c'est par toi que les oncles commencent,
Et que finissent les neveux !

Va, maudit ! ce boulet que, dans des temps stoïques,
Le grand soldat, sur qui ton opprobre s'assied.
Mettait dans les canons de ses mains héroïques,
Tu le traîneras à ton pied !

Jersey, 28 octobre 1852.
I.

J'errais. Que de charmantes choses !
Il avait plu ; j'étais crotté ;
Mais puisque j'ai vu tant de roses,
Je dois dire la vérité.

J'arrivai tout près d'une église,
De la verte église au bon Dieu,
Où qui voyage sans valise
Écoute chanter l'oiseau bleu.

C'était l'église en fleurs, bâtie
Sans pierre, au fond du bois mouvant,
Par l'aubépine et par l'ortie
Avec des feuilles et du vent.

Le porche était fait de deux branches,
D'une broussaille et d'un buisson ;
La voussure, toute en pervenches,
Était signée : Avril, maçon.

Dans cette vive architecture,
Ravissante aux yeux attendris,
On sentait l'art de la nature ;
On comprenait que la perdrix,

Que l'alouette et que la grive
Avaient donné de bons avis
Sur la courbure de l'ogive,
Et que Dieu les avait suivis.

Une haute rose trémière
Dressait sur le toit de chardons
Ses cloches pleines de lumière
Où carillonnaient les bourdons.

Cette flèche gardait l'entrée ;
Derrière on voyait s'ébaucher
Une digitale pourprée,
Le clocheton près du clocher.

Seul sous une pierre, un cloporte
Songeait, comme Jean à Pathmos ;
Un lys s'ouvrait près de la porte
Et tenait les fonts baptismaux.

Au centre où la mousse s'amasse,
L'autel, un caillou, rayonnait,
Lamé d'argent par la limace
Et brodé d'or par le genêt.

Un escalier de fleurs ouvertes,
Tordu dans le style saxon,
Copiait ses spirales vertes
Sur le dos d'un colimaçon.

Un cytise en pleine révolte,
Troublant l'ordre, étouffant l'écho,
Encombrait toute l'archivolte
D'un grand falbala rococo.

En regardant par la croisée,
Ô joie ! on sentait là quelqu'un.
L'eau bénite était en rosée,
Et l'encens était en parfum.

Les rayons à leur arrivée,
Et les gais zéphirs querelleurs,
Allaient de travée en travée
Baiser le front penché des fleurs.

Toute la nef, d'aube baignée,
Palpitait d'extase et d'émoi.
- Ami, me dit une araignée,
La grande rosace est de moi.

— The End —