Voyager n'est pas fondamentalement quelque chose de facile, reposant ou confortable. Voyager se doit même d'être particulièrement intense tout en étant rempli de petits moments agréables, beaux et uniques qui prennent toute leur valeur : un café qui n'est pas sensationnel mais partagé avec les habitants locaux qui te diront que ce stand dans la rue est le meilleur café du pays. Se donner la peine d'apprendre et de parler leur langue, partager leur quotidien, partager leur nourriture. Ne pas vivre à part et dans de meilleures conditions. Se parler d'égal à égal. Prendre un bus rempli bien au-delà de sa capacité légale et sécuritaire, être collé les uns aux autres, une fesse sur un bout de siège, l'autre dans le vide, prendre une journée pour voyager 200 kilomètres. Apprécier un plat préparé par une dame qui s'est levée à 4 heures du matin pour commencer sa cuisson. Constater la beauté d'un coucher de soleil depuis une plage couverte de déchets. Se rendre là où il n'y a ni électricité ni eau circulant dans les robinets. Se laver au seau. Se donner la peine d'aller dans un village reculé, fuir le tourisme de masse. Choisir les routes de terre. Relativiser. Savoir compter sur les autres. Demander un renseignement. Ne pas avoir honte, ni être timide de demander de l’aide. Comprendre l'histoire et la culture d'une région. Se laisser tomber amoureux de lui, d'elle. Quand une semaine passée à ses côtés semble des années, l'embrasser une dernière fois lorsqu'il te dépose à un feu tricolore pour que tu puisses commencer à faire de l'auto-stop, le regarder s'éloigner et continuer ton voyage. Accepter la manière dont fonctionnent les choses. Prendre, et donner son temps car le temps, c'est tout. Sourire, car la richesse d'un pays se calcule par le nombre de sourires de ses habitants. Qu'ils aient des dents ou pas. Ne pas avoir peur de l'autre. Ne pas avoir peur de l'étranger. Foncer vers l’inconnu. Le Monde n’est pas dangereux. Sortir. S'évader des sentiers battus. Agir avec spontanéité. Se lancer. Gravir une montagne au crépuscule, mal dormir à son sommet et dans le froid, se réveiller à l'aube et admirer le lever du soleil, et une mer de nuages. On dormira bien plus ****. On se reposera quand on sera vieux. Se forger une personnalité, sembler fort mais embrasser la vulnérabilité. Se laisser adopter par une famille, deux familles, dix familles. La maman d'un autre qui te traite comme son fils et qui te dit à ton départ : « tu seras toujours le bienvenu, sur ce bout de terre, tu es ici chez toi » à 10.000 kilomètres de ton lieu de naissance. Être malade et rencontrer quelqu'un pour la première fois qui va s'occuper de toi jusqu'à ton rétablissement. Partir seul et se rendre compte que nous ne sommes jamais seuls en voyageant, au contraire. Abuser d'une bouteille de rouge et écouter quelqu’un se confier alors que cette personne n'oserait parler de telles situations vécues à son entourage le plus proche. Et pourtant, ça la ronge. Se sentir accepté et faire en sorte que l'autre se sente accepté. Car nous avons tous nos propres tourments. Être reconnaissant, à chaque instant. Être reconnaissant d'exister. Pleurer fort. Se réveiller dans les bras de quelqu'un. Après avoir passé quelques semaines isolé dans une cabane en pleine nature, sans Internet et connexion avec quiconque à part soi-même. Te regarder dans le miroir avant de prendre ta ****** et te faire la réflexion que tu as l'air exténué, mince, la barbe qui pousse, mais satisfait du parcours. Appeler ta mère, ton père, ta grand-mère de temps en temps, quand tu croîs sur les routes depuis 7 ans mais qu'ils restent à tes côtés. Décider de s'installer avec quelqu'un où que ce soit et prendre soin l'un de l'autre. S'écouter. Se comprendre. Profiter. Se séparer. Se retrouver quelques années plus **** après avoir grandi, mais jamais oublié. Vieillir ensemble à distance. Le retrouver dans son pays, l’attendre à l'aéroport, terminal 1. Dormir dans 300 lits différents à l'année. Dormir sur une plage, dans une forêt, où que ce soit lorsqu’une nuit dans un hôtel te semble hors de prix. Se réveiller avec des boutons partout sur le corps. Savoir s'adapter. Ne jamais avoir d'attentes. Se laisser surprendre. Faire, défaire ton sac au quotidien. Transporter ta maison sur le dos, toutes tes possessions qui ne dépassent pas les 12 kilos. S'adapter à tout type de climat. Du cercle polaire à l'Amazonie, en passant par le désert de Namib. Savoir ce que tu aimes mais tout de même nourrir cette curiosité de connaître des endroits peu attrayants à tes yeux. Prendre soin de toi, de ton corps, de ton esprit dans la mesure du possible. Louer une voiture et partir en road trip, dormir dans la voiture. Ouvrir les yeux aux premiers rayons en face d’un volcan actif. Découvrir de nouveaux artistes, de nouveaux instruments. Dans un monde bien trop bruyant, pesant et très souvent stressant, mettre tes écouteurs pour t'échapper et t'enfermer dans ta bulle. Ne pas surconsommer. Car, à quoi bon ? Etre humble, honnête, sincère, généreux, présent. Ainsi naissons-nous. Être créatif. Marcher, marcher, marcher. Devoir changer de chaussures tous les 6 mois. Goûter les spécialités locales, toujours. Être ambitieux. Écrire, conter ses aventures, ses pensées, ses ressentis. Il ne restera que ça. Partager une bière avec un vieillard. Savoir dire « merci » en toutes les langues, savoir l’écrire dans des alphabets différents. Et ne jamais perdre cette étincelle qui donne un sens et une direction au Voyage. Car oui, malgré tout ça, le Voyage peut sembler ordinaire. — Voyager est mon addiction mais aussi ma santé mentale et physique, et au Voyage j'y dédie ma vie.
le 20 juin 2025