Je suis pédéraste dans l'ùme,
Je le dis tout haut et debout.
Assis, je changerais de gamme,
Et, couché sur un lit, Madame,
Je ne le dirais plus du tout.
La pédérastie est un vice :
C'est l'avis de mon médecin.
Je le crois, il n'est pas novice
Quand il soutient que l'exercice
Le plus naturel, le plus sain,
Sain, comme la mer et son hĂąle,
L'honneur mĂȘme de la maison,
Qui fait le regard le moins pĂąle,
Le plus magnifiquement mĂąle,
Sans aucune comparaison,
Le plus ravissant sur la terre,
C'est de froisser le traversin
D'une femme qu'on... désaltÚre,
Quand elle serait adultĂšre,
Quand elle n'aurait qu'un seul sein.
C'est lĂ le sentiment intime
De tous les peuples sous le ciel ;
Et je me fous, pour la maxime,
Que l'Exception rĂšgne ou rime
MĂȘme d'un air spirituel ;
De tous, oui, autant que nous sommes,
Aussi bien du Chinois charmant
Que du Français, peintre de pommes ;
Et c'est l'opinion des hommes
Qui furent des hommes, vraiment,
Plus forts que ceux dont leur église
Met les cercueils an Panthéon ;
Ce sont ceux-là qu'on poétise,
Par exemple... Abraham... MoĂŻse,
Et, si tu veux... Napoléon.
C'est l'opinion du plus sage
Chez les Slaves au regard clair,
Chez les Germains au doux visage,
Chez les Latins au beau langage,
Et chez les Bretons au cĆur fier.
C'est la tienne, Aimée, et la nÎtre ;
C'est celle de tout bon cerveau,
Qui n'a contre elle qu'un... apĂŽtre,
Un monsieur pourtant comme un autre,
Son nom ?... devra rimer en veau.
- Son nom, voyons ? - Comment, Madame
Son nom ? mais puisqu'il n'est pas pur,
Il souillerait, ce nom infĂąme,
Tes chastes oreilles de femme ;
Et puis, moi, je n'en suis pas sûr.
Si c'était une calomnie
Qu'une apparence aide Ă courir,
Je ferais une vilenie ;
Son nom ? Ah ! jamais de la vie !
J'aimerais cent fois mieux mourir !
La jolie école qu'il fonde,
Sans ce nom-lĂ , pourra planer
Dans une obscurité profonde ;
La plus belle fille du monde
Comme l'on dit, ne peut donner...
D'ailleurs, Madame, cette école
Ne fait pas beaucoup d'adhérents :
Il n'ont pas de porte-parole ;
Et c'est comme une offre un peu molle
Qui rit à des indifférents.
Cependant, sa présence agace
Ceux qui la soupçonnent dans l'air ;
Car ce soupçon va, se déplace,
Et finalement vous enlace
Comme la vague dans la mer.
Ces messieurs lisent la gazette,
DĂźnent en ville assez bien mis ;
Quelquefois courtisent Lisette ;
J'approuve cela, mais, mazette !
Je n'en... gueule pas mes amis.
Oui, ce vilain soupçon nous gĂȘne
Et pourrait submerger un jour,
PrĂšs de la niche, avec la chaĂźne,
L'Amitié, cette belle chienne,
Qui hurle Ă sa lune d'amour.
Pour moi, vous remarquerez comme
J'ai quelque grĂące Ă protester :
Passant pour la moitié d'un homme,
N'aurais-je pas le droit, en somme,
De chercher à me compléter ?
Bien mieux, tiens ! je ne suis pas large,
Mais le plus raide des paris
Qu'on me le tienne, et je me charge
Sous les yeux du public, en marge,
Du plus vieux mouchard de Paris !
Or, je ne suis pas pédéraste ;
Que serait-ce si je l'étais !
Voyez, Madame, quel contraste !
Ah ! par la perruque d'Ăraste !
Et maintenant... si je pétais !